Le Partage des eaux : un parcours artistique le long des cimes ardéchoises

- temps de lecture approximatif de 8 minutes 8 min - Modifié le 24/11/2017 par Département Lyon et région

De l’art contemporain dans les montagnes ardéchoises ! C’est le projet audacieux réalisé par le Parc naturel régional des Monts d’Ardèche. En effet, depuis juillet 2017, à ciel ouvert, le long du GR7, en suivant la ligne de partage des eaux, randonneurs ou simples curieux peuvent partir à la découverte d’œuvres inédites qui révèlent des édifices patrimoniaux et des paysages de ce territoire.

La Tour à eau de Gilles Clément, crédit Nicolas Lelièvre
La Tour à eau de Gilles Clément, crédit Nicolas Lelièvre

C’est en 2001 qu’est créé le Parc naturel régional des Monts d’Ardèche à l’initiative des producteurs de châtaignes, dans l’ouest du département. En 2012 débute la réflexion autour de la mise en place d’un parcours artistique. En 2014, le label Geopark mondial UNESCO est attribué au parc. Cette même année, le projet du parcours est initié et le parc confie la direction artistique à David Moinard de  l’atelier Delta. Pour chaque site, un groupe-ressource local est constitué avec des volontaires. Les repérages des artistes sur le territoire ont lieu à l’automne 2015. Le 8 juillet 2017 le parcours est inauguré.

 Il faut compter 4 à 5 jours de randonnées pour découvrir l’intégralité des œuvres du Partage des eaux. Celles-ci, situées loin des gorges touristiques sont accessibles toute l’année, un parcours d’environ 90 km, de Saint-Agrève à Saint-Laurent-les-Bains.

Le GR 7 bien connu des randonneurs, un des plus longs chemins de grande randonnée français traverse le pays des Vosges aux Pyrénées orientales. Sur plus de 1 500 kilomètres il suit la ligne de partage des eaux. Le GR7 et la ligne traversent conjointement les Monts d’Ardèche du nord au sud. La ligne, le long d’une crête, sépare les deux bassins versants, à cet endroit précis, les eaux des pluies, des sources, de la rosée iront soit à l’est vers la mer, soit à l’ouest vers l’océan, une ligne indécelable à l’œil nu, évidente pour les géographes et les habitants mais moins connue du grand public.

A la demande du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche, ce sont cinq artistes de renommée internationale, sensibles à l’esprit du projet qui ont investi des lieux emblématiques du patrimoine bâti et naturel ardéchois, des lieux témoins de cet écoulement des eaux, pour créer des œuvres inspirées des paysages, des savoir-faire et de l’identité du territoire. Ce faisant, ils contribuent à matérialiser de façon créative et poétique, la ligne du partage des eaux, ligne abstraite et cependant génératrice des paysages, serpentant sur 120 km dans le parc. Frontière symbolique et paysagère, véritable colonne vertébrale, c’est tout naturellement qu’elle a inspiré ce projet de parcours artistique.

Au cours de la randonnée, loin des grands axes, accompagné d’effluves de terre, de genêts et de pins, dans des paysages à couper le souffle,  du nord au sud du département on peut découvrir successivement :

 

♦   De l’autre côté  / par Stéphane Thidet  à la Chartreuse de Bonnefoy

 

De l’autre côté / Stéphane Thidet, cop. Nicolas Lelièvre

C’est à la fin du XIIe siècle que les Chartreux s’y installent attirés par les solitudes de la montagne pour mener une vie de pauvreté et d’austérité. Située à 1310 m d’altitude sur la commune du Béage, proche du mont Mézenc, elle est la plus haute chartreuse de l’ordre. Il ne reste aujourd’hui que la façade datant du XVIIIe siècle. C’est sur celle-ci, grâce à sept grands miroirs sérigraphiés, là où se trouvaient autrefois portes et fenêtres que Stéphane Thidet joue adroitement sur la transparence et la réflexion recréant un lien entre l’architecture et la nature dans laquelle elle s’inscrit. Un espace qui selon lui « avait déjà toutes les composantes d’un lieu magique, étrange, en hiver comme en été ».

 

 

 

 

 

♦   1020 km / par Olivier Leroi

L’artiste nous convie à un voyage de la source de la Loire à son estuaire. Grâce au film d’une durée de 8 heures, réalisé depuis un hélicoptère le spectateur survole le fleuve en quelque sorte en temps réel.

La projection du film est interrompue pendant la saison d’hiver mais reprendra au printemps 2018.

22 photographies du fleuve ont également été réalisées dans le cadre du projet, et des plaques présentant des cartes sont apposées près des trois sources de la Loire : l’authentique, la véritable et la géographique.

 

♦   La tour à eau  / imaginée par Gilles Clément

Ingénieur agronome, paysagiste, botaniste, jardinier, écrivain et enseignant, Gilles Clément conçoit des jardins dans  le monde entier. Il a  érigé au-dessus de Sagnes-et-Goudoulet, à près de 1400 m d’altitude, une tour à eau construite en phonolithe, la roche volcanique présente au Gerbier. Sa forme évoque un phare dont le cœur est une colonne creuse. L’eau se condensant sur ses parois extérieures est dirigée vers le creux de la tour, recueillie dans une vasque puis orientée d’une part vers la Loire, de l’autre vers le Rhône. L’oeuvre illustre ainsi le principe du piège à eau.

On peut rejoindre la tour à eau à pied, en 15 mn, depuis la ferme du Bourlatier (un beau bâtiment de ferme du XVIIe siècle).

 

♦   Un cercle et mille fragments / Felice Varini à L’Abbaye cistercienne de Mazan

C’est dans un lieu entouré d’immenses forêts qu’était implantée l’abbaye de Mazan, dont l’église était la plus grande et l’une des plus belles du Vivarais.

Fondée entre 1119 et 1123, première abbaye cistercienne en Languedoc, elle croît rapidement au point de fonder quatre abbayes-filles renommées (Le Thoronet, Bonneval, Sylvanès et Sénanque).

Son agrandissement considérable au cours des XIIème et XIIIème siècles est source de convoitise lors des périodes de troubles et les moines sont forcés de construire des fortifications pour s’abriter des pillards de la guerre de Cent Ans. En 1661, une douzaine de moines seulement vivent encore dans l’abbaye qui est fermée définitivement en 1790 par la Révolution française et devient carrière de pierres comme beaucoup d’autres établissements religieux.

Au cours des dernières années, plusieurs parties de l’abbaye ont été mises en conformité afin de rendre le site accessible. Au printemps 2016, l’aile des convers a été restaurée. Le site est classé Monument historique.

Felice Varini  est un peintre qui agit sur la réalité physique d’un paysage ou d’une architecture, Il a dessiné des cercles à la feuille d’or sur les vieilles pierres de l’abbaye ; selon l’orientation du soleil et la situation du spectateur, par anamorphose, les formes apparaissent et disparaissent.

Un cercle et mille fragments / Felice Varini, cop. Nicolas Lelièvre

 

♦    Le phare de Gloria Friedmann entre Atlantique et Méditerranée

Monochrome bleu de 7 m de haut, il a été inauguré le 16 septembre 2017 au Bez (Borne). Le visiteur peut grimper à l’intérieur du phare, faire une pause, un banc circulaire invite au repos et à la contemplation. Quand on monte dans le phare, on a une vue à 360 degrés. On distingue la différence entre les deux paysages, du côté atlantique et du coté méditerranéen, l’eau les a façonnés différemment. Dans cette tour refuge, une bibliothèque propose également aux randonneurs de faire une pause lecture. Les ouvrages proposés permettent de mieux connaître l’histoire, la biodiversité des environs, la vie sur la montagne ardéchoise, tout en ouvrant des horizons sur le monde maritime et l’ailleurs.

 

♦    Les Mires

Accompagné de deux paysagistes de l’atelier IL Y A de Nimes, Gilles Clément a imaginé ce dispositif. Des mâts très fins d’environ 7 m de haut en moyenne jalonnent le parcours et pointent une crête de la ligne que le visiteur peut découvrir grâce à une échelle de visée surmontée d’un cadre.

Ces mires implantées sur six sites en belvédère permettent de mieux appréhender le rôle de la ligne de partage des eaux dans la formation du paysage.

Les Mires MONTAT crédit Nicolas Lelièvre

♦   Le mobilier

Le designer Eric Benqué a installé tout au long du parcours des vastes bancs, des plateformes et abris, qui offrent des espaces de repos et de contemplation des paysages. Ce mobilier qui n’a subi aucun traitement est créé à partir des savoir-faire locaux et des ressources naturelles telles que le châtaignier, essence connue pour sa résistance aux conditions extrêmes.

 

GeoPoetic Society

Ce parcours paysager et artistique se découvre à pied mais également en vélo, à cheval, voire l’hiver, chaussés de raquettes ou de skis de randonnée et aussi en voiture. En effet, d’une œuvre à l’autre, impossible de se perdre, un GPS artistique (GéoPoéticSociety)  que l’on peut télécharger sur l’application izi.Travel accompagne les 2h30 de voiture. Créé par le collectif Toplamak il entraine les utilisateurs, au fil des kilomètres dans une aventure drôle et poétique.

Mobilier crédit Nicolas Lelièvre

 

Les échappées
Durant l’été 2017, en écho au parcours, une programmation d’expositions temporaires a accompagné les œuvres pérennes, une vingtaine d’expositions créées pour l’occasion dans des villes et villages fédérés pour la première fois autour d’un projet commun. En 2018 une nouvelle programmation d’échappées artistiques sera également proposée.

 

La Caverne du Pont d’Arc reproduction de la grotte Chauvet présente l’art rupestre aux visiteurs dans un bâtiment qui s’harmonise plutôt bien avec la garrigue voisine. Avec le land art du Parc des Monts d’Ardèche, l’équipe a mis en place un parcours artistique attractif avec suffisamment de savoir-faire pour ne pas entamer non plus l’intégrité de la beauté brute des paysages sources d’inspiration et de création.

 

Des sites à consulter :

Le site du parcours artistique

Dans les coulisses du parcours artistique : un dossier en ligne du n° 24 du Journal du parc

Le partage des eaux, un parcours pérenne entre art et nature en Ardèche

 

Dans les collections de la bibliothèque municipale de Lyon  

Le parc c’est vous : le journal du parc

L’Ardèche à pied / FFRP, 2017

Du Pilat aux Cévennes, GR 7-72-73 / FFRP, 2001

Les itinéraires Ardèche : 200 regards culturels, pittoresques et gourmands, 2012

Ardèche et Drôme, Lonely planet, 2017

Le plateau ardéchois / sous la direction de J.-M. Gardès, 2017

Ardèche : 100 lieux pour les curieux / Ed. Bonneton, 2016

Cévennes, Ardèche : avec les Grands Causses, le Massif de l’Aigoual et le Mont Lozère / Bettina Forst, ed. Rother, 2014

Ardèche / collection guides géologiques, éd. 2014

VTT Ardèche : grande traversée du nord au sud, circuits et voies vertes / Glénat, 2015

Emerveillés par l’Ardèche [Revue]

 

La Caverne du Pont-d’Arc réplique de la grotte Chauvet

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