Cinquantenaire du couvent Sainte Marie de la Tourette, Eveux (Rhône)

Le couvent de la Tourette ou l’architecture du sacré par Le Corbusier

- temps de lecture approximatif de 32 minutes 32 min - Modifié le 17/06/2016 par Gone en Bib

Œuvre majeure du grand architecte du béton, le couvent de la Tourette conçu par Le Corbusier fête son cinquantenaire en 2009. En juillet 1959, les frères dominicains ont investi cet emblème de l'architecture religieuse moderne qu'ils n'ont pas quitté depuis, hormis pour les travaux de restauration du bâtiment. Partons à la découverte de ce monument de béton brut et de verre, perché à flanc de colline du côté de l'Arbresle, qui a marqué son époque et s'inscrit comme un élément incontournable du patrimoine architectural du milieu du XXe siècle.

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Sommaire

La genèse du projet
Le Domaine de la Tourette
Ce sera… Le Corbusier
Inspirations
Une construction mouvementée

Le couvent de la Tourette, quelle architecture !
Première approche
La Tourette, couvent de lumière
Une restauration nécessaire

Le couvent de la Tourette, lieu de culte… et de culture
Du couvent d’études…
… au centre culturel
Un cinquantenaire sous le signe de l’art contemporain

Reconnaissance et protection du patrimoine religieux contemporain
La Tourette et Le Corbusier à l’Unesco ?
Reconnaissance du patrimoine religieux du XXe siècle en Rhône-Alpes

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Canon à lumière
(G. Bisson – 2009)

2 La genèse du projet2

Les dominicains de la province de Lyon [1] avaient acheté le domaine de la Tourette en 1943 avec l’idée de créer un couvent d’études capable d’accueillir une centaine de religieux à proximité de Lyon. Les frères étudiants étaient à cette époque installés au couvent de Saint-Alban Leysse, en Savoie.

  • [actu] Le Domaine de la Tourette[actu]

Le domaine de la Tourette, qui a donné son nom au couvent, a été vendu aux dominicains par la comtesse de Villiers, petite fille du comte de Chabanne. Le domaine avait auparavant changé de mains de multiples fois. Le plus ancien propriétaire connu est Alexandre de la Tourette, conseiller du roi en 1576. Il fut notamment occupé par la famille Claret pendant près de 120 ans. Le vaste parc de plus de 70 hectares, situé sur la commune d’Eveux, près de l’Arbresle, abrite encore un château construit au XVIIe siècle ainsi qu’une glacière du XVIIIe siècle.

¤ La Tourette à Eveux : voyage du XVIIe au XXe siècle, Le Progrès, 25 août 1998
@ Le domaine de la Tourette sur le site des Amis du vieil Arbresle
@ La glacière de la Tourette, à Eveux : histoire d’une restauration
@ Les Claret de Fleurieu, seigneurs de la Tourette
@ Les Franciscains chez les de Chabannes : ils passèrent la guerre dans le château de la Tourette

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Eglise de la Tourette
(G. Bisson – 2009)
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La Tourette aile sud
(G. Bisson – 2009)
  • [actu]Ce sera… Le Corbusier[actu]

Le projet de couvent à la Tourette prend corps au début des années 1950. L’architecte tout d’abord choisi par les dominicains est Maurice Novarina, qui a déjà réalisé plusieurs églises dont la chapelle du plateau d’Assy. En 1952, Novarina présente son avant-projet détaillé au père Belaud, le supérieur de la province de Lyon. Mais le père dominicain Marie-Alain Couturier [2], persuadé que l’occasion est exceptionnelle pour le renouveau de l’art chrétien en France, pèse de tout son poids pour que Le Corbusier en soit l’architecte. Ce dernier accepte, et il est finalement choisi en février 1953 pour mener à bien ce projet.

¤ La bataille de la Tourette, un article d’Antoine Lion paru dans Le Coup de grâce n°1, été 2009, p. 44-46

Pourquoi le choix de Le Corbusier ?
Le frère Belaud explique ce choix dans le livre de Jean Petit, Un Couvent de Le Corbusier : « Ce choix était inspiré par un désir de fidélité à la tradition dominicaine ». Saint-Dominique, en son temps, fut un novateur qui voulut adapter l’église à une société en pleine évolution. « Il était nécessaire de montrer que la prière et la vie religieuse ne sont pas liées à des formes conventionnelles et qu’un accord peut s’établir entre elles et l’architecture la plus moderne à condition que celle-ci soit capable de dépassement. Connaissant l’œuvre de Le Corbusier et son inspiration, ce que nous avions à lui demander ce n’était pas d’avoir la foi, mais de comprendre en architecte les signes et les conditions humaines de la foi. ». Ce que Le Corbusier réalisera à la perfection…

Un Couvent de le Corbusier, Jean Petit, Editions de minuit, 1990

-Le Corbusier (1887-1965), de son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret, architecte mondialement connu mais néanmoins controversé pour ses « unités d’habitations » (la Cité radieuse de Marseille …) et son goût pour le béton armé, est alors en train de réaliser la Chapelle Notre-Dame de Ronchamp (construite entre 1953 et 1955). C’est le premier édifice religieux qu’il conçoit, et son ami Le Couturier doit le persuader d’accepter ce deuxième projet. Ce qui intéresse Le Corbusier à la Tourette est l’association dans un même lieu d’espaces de vie et de culte : il peut ainsi y accomplir la synthèse entre son concept d’unité d’habitation et les idées développées à Ronchamp.

@ La fondation Le Corbusier
@ Le Corbusier sur aroots.org
Le Corbusier, parcours, José Baltanas, Ed. Parenthèses, 2005
Promenade architecturale qui présente douze bâtiments majeurs dans l’œuvre de Le Corbusier
C’était Le Corbusier, Nicholas Fox Weber, Fayard, 2009
L’ouvrage se présente comme la première biographie complète de l’architecte
De nombreux ouvrages ont été consacrés à Le Corbusier. Trouver d’autres références dans le catalogue de la Bibliothèque municipale de Lyon

Le Corbusier n’a pas travaillé seul à la conception du couvent de la Tourette. Très pris par ses autres projets en cours (notamment la réalisation de Chandigarh), il fut secondé par deux architectes de son agence du 35, rue de Sevres, Iannis Xenakis et André Wogenscky.

-Iannis Xenakis (1922-2001), architecte et compositeur, a travaillé avec Le Corbusier sur plusieurs projets. La responsabilité du projet de la Tourette lui est confiée. Il est notamment à l’origine des « pans de verre ondulatoires », des « canons à lumière » et des « mitraillettes » qui mettent si bien en lumière le couvent.

@ L’itinéraire architectural de Iannis Xenakis : une invitation à jouer l’espace, Sven STERKEN sur le site web de l’association des amis de Iannis Xenakis
Musique de l’architecture : textes, réalisations et projets architecturaux, Iannis Xenakis ; choisis, présentés et commentés par Sharon Kanach, Parenthèses, 2006
Cet ouvrage réunit les textes de Xenakis consacrés à l’architecture, aux relations entre architecture et musique et présente esquisses et projets architecturaux.

-André Wogenscky (1916-2004). Pour le projet de la Tourette, il se charge de l’exécution en tant qu’architecte d’opération et gère donc les relations entre les intervenants, avec l’aide de Fernand Gardien. Il se retire du projet en 1958, remplacé par G.M. Présenté.

André Wogenscky : raisons profondes de la forme, Le Moniteur, 2000

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Couvent de la Tourette face est
(© Région urbaine de Lyon)
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Loggias et pans ondulatoires
(G. Bisson 2009)
  • [actu] Inspirations[actu]

En confiant la réalisation du couvent à Le Corbusier, les dominicains lui ont fourni des indications de contenu : il fallait une église, un oratoire, une salle capitulaire, un réfectoire, un cloître, une bibliothèque, des parloirs, des cellules. Le libre choix des formes est laissé à l’architecte. Le père Couturier, toutefois, lui conseille de visiter l’abbaye du Thoronet, elle-même construite sur un terrain en pente. Le Corbusier a en outre gardé en mémoire la Chartreuse de Galluzzo, visitée lors d’un voyage en Italie [3].
Le paysage lui-même est aussi une source d’inspiration pour Le Corbusier : il ne fallait pas casser la pente mais utiliser la déclivité. Le Corbusier décide alors de concevoir le bâtiment à partir du haut : « Je ne vais pas prendre l’assiette par terre puisqu’elle se dérobe. Prenons l’assiette en haut à l’horizontale du bâtiment au sommet, laquelle composera avec l’horizon. Et à partir de cette horizontale au sommet, on mesurera toute chose depuis là et on atteindra le sol au moment où on le touchera “. [4]
Le père Couturier l’initie en outre aux règles de l’Ordre dominicain, dont Le Corbusier doit s’imprégner pour créer un couvent fidèle à leurs exigences. Voici ce qu’il lui écrit le 2 août 1953 : « Pour nous, la pauvreté des bâtiments doit être très stricte, sans aucun luxe ni superflu et par conséquent cela implique que les nécessités vitales communes soient respectées : le silence, la température suffisante pour le travail intellectuel continu, les parcours des allées et venues réduits au minimum (…) Souvenez-vous que notre type de vie nous est absolument commun à tous et par conséquent n’appelle aucune différenciation personnelle à l’intérieur des groupes ». La sobriété et la pauvreté seront un fil conducteur tout au long de la conception mais aussi de la construction du couvent, les frères dominicains connaissant d’importantes difficultés pour financer le projet.

  • [actu]Une construction mouvementée[actu]

Après trois ans de recherches, de croquis et de plans, le chantier débute enfin le 8 août 1956. Les dominicains, malgré la vente d’anciens couvents, les subventions et les dons, ont des difficultés à trouver les fonds nécessaires au financement du chantier, d’autant plus que les premières estimations sont fantaisistes : de 1955 à 1956, le devis passe de 172 à 240 millions de francs. Ils optent alors pour un projet constructible par étapes, au gré du financement. Le Corbusier qui a prévu un ouvrage simple doit malgré tout réduire les coûts tout au long du chantier, en utilisant certains matériaux et procédés constructifs moins onéreux et en abandonnant des projets trop coûteux comme les « diamants acoustiques » [5] ou la « conque acoustique » [6] qui devaient parer l’église. L’isolation thermique, acoustique et l’étanchéité du bâtiment souffrent grandement de ces économies de moyens, mais le couvent finit par être livré à ses propriétaires lors de l’été 1959.

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Pans de verre detail
(G. Bisson 2009)
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Vue sur l’interieur
(G. Bisson 2009)

2Le couvent de la Tourette, quelle architecture ! 2

  • [actu]Première approche[actu]

Un carré de béton, un HLM en pleine campagne, voici la première impression que peut produire le couvent de la Tourette lorsqu’il se dévoile au regard : l’église, qui occupe le pan nord du quadrilatère, se dresse telle une muraille de béton. L’aile est, où se trouvent les parloirs et l’entrée principale, offre au regard une multitude de loggias, abritant les cellules des frères. L’encadrement est constitué de galets incrustés dans le béton. Un espace entre l’église et le reste du bâtiment conventuel en forme de U permet d’apercevoir la cour intérieure, où les mystérieuses « mitraillettes » qui couvrent la sacristie et les étranges protubérances de béton à flanc de mur éveillent la curiosité. Les ailes ouest et sud s’ouvrent sur le paysage à travers leurs grands pans de verre et s’intègrent dans la pente avec légèreté grâce à leur structure sur pilotis.

Découvrir le couvent :
@ Le couvent de la Tourette sur le site dominicains.fr.
NB : le site consacré au couvent est actuellement en reconstruction. Le lien ci-dessus donne accès à une visite commentée du couvent (extraits vidéo d’un documentaire d’Arte), un album photo, des informations pratiques sur le couvent et la présentation de l’exposition en cours.
@ Le couvent Saint-Marie de la Tourette sur le site des Amis du vieil Arbresle
@ Le Corbusier et le couvent dominicain de la Tourette, un article de Catherine Sabbah pour le Moniteur du 16/04/2009
@ Le couvent de la Tourette sur Wikipedia

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Tourette – Eglise
(© RUL)
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Porte de l’église : croix
(G. Bisson 2009)


Un couvent, trois fonctions
Le bâtiment conventuel s’organise selon les trois fonctions du couvent :
* La vie individuelle est cantonnée aux étages supérieurs avec la double rangée de cellules. Leurs dimensions ont été élaborées à l’aide du Modulor, un outil de mesure
mis au point par Le Corbusier en vue d’adapter l’architecture et le mobilier aux dimensions du corps humain.
* La vie collective (réfectoire, cuisine, chapitre, salles de cours, bibliothèque…), s’organise dans les étages du bas.
* La vie spirituelle occupe l’aile nord qui regroupe l’église, la crypte et la sacristie. Ces lieux surprennent par leur dépouillement : nulle statue ni ornement ne viennent distraire le regard.
Ces différents éléments sont reliés par un réseau de couloirs, qui se croisent au centre du quadrilataire. Ces conduits vitrés qui forment une croix désaxée font office de cloître, bien que Le Corbusier ait souhaité dans un premier temps attribuer ce rôle au toit-jardin du bâtiment.

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La Tourette – Cloître
(© RUL)
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La Tourette aile sud
(G. Bisson – 2009)
  • [actu]La Tourette, couvent de lumière[actu]

« Ce couvent de rude béton est une œuvre d’amour. Il ne se parle pas c’est de l’intérieur qu’il vit. C’est à l’intérieur que se passe l’essentiel » [7]
_Ainsi parlait Le Corbusier de son ouvrage. Il faut en effet pénétrer dans le bâtiment pour en ressentir toute la force et la beauté. Le jeu des couleurs vives sur les portes et les tuyauteries apparentes contraste harmonieusement avec la simplicité et le dépouillement des lieux. Mais ce qui frappe en particulier, ce sont les jeux de lumière qui animent le bâtiment.

Plusieurs procédés ont été mis en place par Le Corbusier et Iannis Xenakis autour des ouvertures. Certaines permettent au regard de s’évader vers l’extérieur, tandis que d’autres permettent l’entrée de la lumière tout en masquant la vue. En voici quelques exemples.

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Pans de verre ondulatoires
(G. Bisson 2009)
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Pans de verre type Mondrian
(G. Bisson 2009)


Intérieur/extérieur : cadrer le regard
Les pans de verre ondulatoires, très présents sur la façade ouest, offrent une large perspective sur le paysage environnant tout en fractionnant la vue par des potelets verticaux de béton, intercalés selon des espaces variables. C’est Xenakis qui en développa le concept en se basant sur une formule mathématique. Les pans de verre de type Mondrian ouvrent au contraire sur l’intérieur du couvent par un damier de panneaux de verre et de béton peint de couleurs vives, créant des effets d’ombre et la lumière et découpant la vue en une multitude de tableaux qui fluctuent au gré des déplacements. Le Corbusier n’était pas amateur de grandes perspectives dans lesquelles se noie le regard. Dans les couloirs attenants aux cellules, il limite aussi la vue par l’étroitesse de l’ouverture horizontale, qu’il fractionne par l’emploi des corbeaux de béton, petits blocs apposés à intervalles réguliers.

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Fleur de béton
(G. Bisson 2009)


Occulter la vue et faire entrer la lumière
« Les fleurs de béton », ces surprenantes excroissances accolées à certains murs, ont un rôle de paravent. Utilisées en bout de couloir, elles masquent la vue sur l’extérieur tout en permettant le passage d’une lumière diffuse. Les procédés les plus marquants sont peut-être ceux utilisés dans l’église. Cette dernière n’est munie d’aucune vue sur l’extérieur. En revanche, un ensemble de fentes horizontales et verticales, accompagnées des « canons à lumière » de Xenakis, projettent au sein de l’édifice une lumière changeante, blanche ou colorée.

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Eclairage de l’église
(G. Bisson – 2009)
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Canons de lumière
(G. Bisson – 2009)

Il ne s’agit là que d’un bref aperçu de l’architecture développée par Le Corbusier et Xenakis au couvent de la Tourette. Plusieurs ouvrages ont été consacrés à ce bâtiment, reconnu comme une œuvre de la maturité chez Le Corbusier et qui a participé au renouveau de l’architecture religieuse au XXe siècle.

Pour aller plus loin :
Le Couvent de la Tourette : Le Corbusier, Sergio Ferro, Chérif Kebbal, Philippe Potié, Cyrille Simonnet, éd. Parenthèses, 1988
Une étude très documentée sur l’architecture du couvent au fil des différentes phases du projet (conception, réalisation et même consécration)

Parcours d’architecture : la Tourette et Le Corbusier , Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement du Rhône, 2005
Le CAUE du Rhône a pris le parti du noir et blanc et d’une mise en page originale riche en dessins et croquis pour scénariser ce parcours de découverte du couvent de Le Corbusier.

Le couvent de la Tourette, Le Corbusier, Richard Copans, Architectures. 03, 2003 [DVD]
Un film de 26 minutes pour découvrir l’architecture du couvent, inclus dans un DVD présentant 6 œuvres du XIXe et XXe s.

Le Corbusier : La Tourette, Anton Henze, Bibliothèque des arts, 1966
Une édition bilingue anglais-français, qui aborde la fonction de chaque élément du couvent.

Le Corbusier et l’architecture sacrée : Sainte-Marie-de-la-Tourette, Eveux, François Biot, Françoise Perrot, photographies Jacqueline Salmon [et al], 1985
La première partie de l’ouvrage associe photographies et citations de Le Corbusier, suivie de contributions diverses.

Beaux livres, à découvrir pour le plaisir :
La Tourette, un couvent de Le Corbusier, Pierre Boulais et Luc Moreau, 2009
Promenade sensible à travers le couvent, où les citations de Le Corbusier (principalement) font écho aux photographies. Les deux auteurs ont chacun fait l’expérience de la vie au sein du couvent.

Lumière sur lumière : La Tourette au XXIème siècle, Luc Moreau, éd. Entre vues, 2006
Luc Moreau est devenu le prieur de la communauté de la Tourette en 1995. Il livre ici ses propres photos qui révèlent la beauté des lieux à travers les jeux de lumière sur le béton brut.

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Canons à lumière
(G. Bisson – 2009)
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Chapelle dans l’église
(G. Bisson – 2009)
  • [actu]Une restauration nécessaire[actu]

Construit à l’économie, le couvent souffre de multiples dégradations. Fissures dans le béton, infiltrations, verrières trop fines, installations électriques dangereuses… Le couvent a même été fermé au public en 2004 car il ne correspondait plus aux normes de sécurité. Bien qu’ayant fait l’objet de travaux ponctuels, la Tourette nécessitait donc des travaux de grande envergure. Classé monument historique, le couvent bénéficie d’un montage financier qui répartit les coûts de restauration : 40% sont pris en charge par la région, 10% par le département , 40% par les propriétaires. L’association des Amis de la Tourette n’ayant pas les fonds suffisants, une convention de mécénat est signée en juin 2006 avec la société Velux. Les travaux commencent la même année. En 2009, la restauration de l’aile ouest est achevée tandis que l’aile est, toujours en travaux, bénéficie d’un coup de pouce du plan de relance de 480 000€.

¤ Restauration du couvent de La Tourette, article de Pierre Delohen paru dans le Moniteur des travaux publics et du bâtiment n°5406, 06 juillet 2007, p. 41
¤ Le couvent de la Tourette sur la voie de la restauration, Le Figaro, 23 août 2007 (LexisNexis)
@ Communiqué de presse de Vélux
@ Plan de relance : l’Etat restaure notre patrimoine ! En Rhône-Alpes [pdf]

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Aile ouest restaurée
(G. Bisson – 2009)

2 Le couvent de la Tourette, lieu de culte et de culture 2

  • [actu]Du couvent d’études…[actu]

Les dominicains prennent possession des lieux dès juillet 1959 (il ne sera béni qu’en 1960). Le couvent, conçu comme un lieu de formation pour les futurs religieux, pouvait abriter jusqu’à cent personnes. La communauté était alors composée de frères prêtres essentiellement chargés de l’enseignement, de frères convers qui s’occupaient de l’intendance du bâtiment et de frères étudiants destinés à être ordonnés. Mais les évènements de mai 68 vont rapidement bouleverser la vie du couvent : l’éloignement de la ville universitaire, le mode de vie monastique sont remis en question par une partie de la communauté. En 1970 le couvent, déserté par ses étudiants, n’abrite plus qu’une dizaine de frères. Ceux-ci, convaincus de l’intérêt et de la valeur du lieu que leur a dédié Le Corbusier, choisissent alors de l’ouvrir au public.

  • [actu]… au centre culturel[actu]

Le couvent devient un lieu d’accueil et d’échanges. Les cellules sont utilisées pour héberger des particuliers venus faire une retraite ou pour loger les étudiants en architecture travaillant sur l’oeuvre de Le Corbusier, les salles de cours accueillent séminaires et colloques. Les moines créent notamment le centre Thomas Moore en 1970. D’abord orienté vers les sciences religieuses, le centre s’est ensuite élargi aux sciences humaines. C’est le début d’un long cheminement, qui mènera à la création d’un centre culturel labellisé « Centre Culturel de Rencontre » (CCR) en 2002. Il s’agit d’un CCR doublement atypique puisqu’il est le seul à s’installer dans un bâtiment du XXe siècle et dans un lieu encore habité. La cohabitation entre les dominicains et le centre culturel géré par des laïcs n’est pas de tout repos. Elle prend fin tristement le 30 juin 2009 avec la mise en liquidation judiciaire du CCR. Le centre culturel, qui employait 14 personnes, connaissait de grosses difficultés financières et était placé en redressement judiciaire depuis un an. Il n’aura pas survécu à la fermeture de l’hôtellerie due aux travaux de restauration en cours. Les dominicains espèrent ouvrir à nouveau le couvent au public et proposer une nouvelle programmation dans les années à venir.

@ Le Centre culturel de rencontre du couvent de la Tourette et les Rencontres Thomas More sur Millenaire3, (2005 et 2007)
@ Association des centres culturels de rencontre en France et en Europe
@ Vingt années de débats : le Centre Thomas More : 1970-1990 numéro spécial des Dossiers du Centre Thomas More, 1990
¤ Le centre Thomas More a fait du couvent de la Tourette construit par Le Corbusier un lieu vivant d’échanges culturels, article d’Henri Tincq paru dans Le Monde. Rhône-Alpes du 30 décembre 1995 (Dossiers de presse Rhône-Alpes)
¤ Le couvent de la Tourette un lieu charnière entre culture et religion La Croix, 10 août 2001 (LexisNexis) et Le centre culturel du couvent de la Tourette menacé de fermeture , La Croix, 16 mars 2009
¤ Le tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire du centre culturel de la Tourette, Bref Rhône-Alpes n°1955, 17 juin 2009 (LexisNexis)

  • [actu]Un cinquantenaire sous le signe de l’art contemporain[actu]

Voici donc cinquante ans que les frères dominicains ont pris possession du couvent que Le Corbusier avait conçu pour eux. A cette occasion les frères ont invité un artiste contemporain, François Morellet, à exposer à la Tourette. Il en résulte six créations qui entrent en résonnance avec l’architecture de Le Corbusier. L’exposition, inaugurée le 18 septembre en présence du directeur de la Biennale d’art contemporain, se tient jusqu’au 8 novembre 2009. L’occasion de déambuler dans une partie du couvent, actuellement fermé au public en raison des travaux.

@ François Morellet chez Le Corbusier, une exposition soutenue par la Biennale d’art contemporain de Lyon
Morellet au Couvent de La Tourette : la magie d’une rencontre, Vicken Karkoukli, Le Progrès éd. 69B, 2 octobre 2009, p. 15 (Europresse)
La Tourette : le cinquantenaire : rencontre Le Corbusier / François Morellet, Bernard Chauveau, 2009
A l’occasion du cinquantenaire et de l’exposition de François Morellet, trois photographes contemporains ont été reçus en résidence à la Tourette pour nous transmettre leur vision des lieux
Champ libre – Les cinquante ans du couvent le Corbusier : ses dominicains et ses ex., émission diffusée sur France culture le 18 septembre 2009

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Tourette – la chapelle
(G. Bisson – 2009)

2 Reconnaissance et protection du patrimoine religieux contemporain 2

  • [actu]La Tourette et Le Corbusier à l’Unesco ?[actu]

Reconnu à l’échelle mondiale comme un édifice majeur de l’architecture du XXe siècle, le couvent Sainte-Marie de la Tourette a été classé monument historique dès 1979. (Voir la base Mérimée)
Il fait en outre partie d’une liste de 22 œuvres de Le Corbusier proposée à l’Unesco en vue de son inscription au patrimoine mondial. Cette inscription permettrait une protection supplémentaire pour des bâtiments déjà classés monuments historiques et leur accorderait une reconnaissance à l’échelle internationale. Ce serait en outre la première œuvre d’un architecte du XXe siècle à figurer sur la liste de l’Unesco.
La proposition d’inscription, présentée à l’Unesco lors de la session de juin 2009, n’a cependant pas convaincu le jury. Si la valeur universelle de l’œuvre architecturale du Corbusier a été reconnue par l’organisation mondiale, le comité a pris la décision de renvoyer le dossier aux états impliqués, qui devront le compléter et éventuellement revoir la liste des édifices en vue d’une proposition ultérieure.
@ La décision de renvoi par l’Unesco
@ Site du Patrimoine mondial de l’Unesco
@ Le Corbusier recalé par l’Unesco, Le Journal des Arts, n° 307, 10 juillet 2009

  • [actu]Reconnaissance du patrimoine religieux du XXe siècle en Rhône-Alpes[actu]

Outre le couvent de la Tourette, voici les édifices religieux du XXe siècle faisant l’objet d’un classement ou d’une inscription à l’inventaire des monuments historiques en Rhône-Alpes :

¤ L’Eglise Saint-Pierre de Firminy (42)
C’est le troisième édifice religieux conçu par Le Corbusier. Dans les années 50, le maire de Firminy, Eugène Claudius-Petit décide de créer un nouveau quartier, le « Firminy-Vert ». Le Corbusier conçoit quatre éléments pour ce quartier : une maison de la culture, une unité d’habitation, un stade et une église. Mais Le Corbusier meurt en août 1965, alors que la maison de la culture vient d’être inaugurée. L’unité d’habitation sera achevée en 1967, le stade mis en service en 1968 et l’église inaugurée en… 2006 ! Avant de disparaître, l’architecte aura juste eu le temps de fournir les plans définitifs de l’Eglise Saint-Pierre, commandée en 1960 par l’Association paroissiale Saint-Pierre de Firminy-Vert. Le projet, confié à José Oubrerie et Luis Miquel, prend corps avec la pose de la première pierre en 1970. Subissant de multiples aléas, notamment financiers, le chantier est cependant stoppé en 1977.

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Eglise Saint-Pierre Firminy
(© RUL)
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Firminy église et stade (RUL)
(© RUL)

Son classement au patrimoine historique en 1996, avant même son achèvement, lui permet d’échapper à la destruction un temps envisagée. Le socle privé de toit restera ainsi jusqu’en 2004 où, grâce à l’engagement des membres de l’association Le Corbusier pour l’église de Firminy-Vert, du maire de Firminy Dino Cinieri et de la Communauté d’agglomération de Saint-Etienne métropole, le chantier de construction de l’église reprend vie. Celle-ci est finalement inaugurée en novembre 2006. La partie haute de l’édifice accueille un lieu de culte dont la première messe fut célébrée le 29 juin 2007, tandis que la partie basse, devenue une annexe du Musée d’art moderne de Saint-Etienne, abrite un centre d’interprétation dédié à l’œuvre de Le Corbusier et des expositions temporaires.
Le projet de Le Corbusier a été globalement respecté, hormis les baies vitrées du socle qui devaient être constituées de pans de verre ondulatoires. Cet aspect a été modifié en vue d’adapter le bâtiment à ses nouveaux usages.
@ Firminy : l’église Saint-Pierre du Corbusier sur Forez-info
@ Site Le Corbusier de Firminy
Firminy, Le Corbusier : aventure urbaine, aventure humaine, Sylvain Perret, Jérôme Bernard-Abou, EMCC, 2007
Firminy : Le Corbusier en héritage , livre réalisé sous la direction de Xavier Guillot, films de Christian Garrier (DVD), 2008
Le Corbusier : de la Chaux-de-Fonds à Firminy, Christian Soleil, Actes graphiques, 2007


¤ L’Eglise Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d’Assy (Passy, 74)
Edifice incontournable du renouveau de l’art sacré au XXe siècle, cette église a été construite entre 1937 et 1946 pour les malades en cure de la station climatique d’Assy. Le chanoine dominicain Devémy, ami de Marie-Alain Couturier, fit appel à l’architecte Maurice Novarina qui réalisa une église dont l’architecture s’inspire des chalets savoyards. Pierre Bonnard, George Braque, Marc Chagall, Fernand Léger ou encore Matisse ont contribué à la décoration de l’église, devenue un « temple » de l’art moderne. Elle est classée au titre des monuments historiques depuis 2004.
Notre-Dame de toute grâce, Plateau d’Assy (Haute-Savoie) : construction : 1937-1946 ; consécration : 1950, Marie-Alain Couturier, Ed. paroissiales d’Assy, 1980
Passy, plateau d’Assy, montagne magique : l’art inspiré, Anne Tobé, CREHA, 2007

¤ L’église Sainte-Jeanne-d’Arc de Parilly à Vénissieux (69)
Cette église a été construite entre 1931 et 1933 à l’initiative du chanoine Chavret, curé de Vénissieux, avec l’aide de Marius Berliet, pour répondre au développement de la banlieue lyonnaise. L’église a été inscrite à l’inventaire supplémentaire en juin 2006.

¤ La chapelle Notre-Dame de l’Assomption à Saint-Bon-Tarentaise (73)
Conçue par Denys Pradelle avec la collaboration de Jean Prouvé, la chapelle est construite en deux temps, en 1953 et 1955. Elle a été inscrite à l’inventaire des monuments historiques en 2005.

_ ¤ La chapelle de l’hôpital Edouard Herriot à Lyon
La chapelle est l’œuvre de l’architecte Louis Thomas et abrite des sculptures de Georges Salendre. Elle a été inscrite à l’inventaire des monuments historiques en 1967.
@ La chapelle de l’hôpital Edouard Herriot , [pdf], dépliant réalisé à l’occasion des journées du patrimoine
L’hôpital Édouard Herriot de Lyon : 1933-1983, 1991

D’autres édifices, non inscrits sur la liste des monuments historiques, sont cependant distingués par le Label XXe siècle :

Eglise Notre-Dame-de-l’Annonciation, Lyon 9e (1955-1957)
Eglise Notre Dame de la Duchère ou église du Plateau (1969)
Eglise Saint-Jean, Grenoble (1965)
Eglise Saint-Joseph des Fins, Annecy (1937 ; 1941)
Eglise Sainte-Bernadette, Annecy (1966)
Chapelle Saint-Jean-Bosco, Cité du Biollay, Chambéry (1956-1957, Label XXe)

@ Le site Label patrimoine XXe siècle en Rhône-Alpes propose la liste des édifices labellisés dans la région
@ La base Architecture-Mérimée propose elle aussi un accès thématique « Label XXe siècle »

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Ancienne église Duchère
(G. Bisson 2009)

Lectures complémentaires

Les utopies réalisées dans la région urbaine de Lyon, Gilles Ragot ; Région urbaine de Lyon, 2007
Le site Le Corbusier à Firminy-vert et le couvent de la Tourette à Eveux-sur-Arbresle font partie des cinq sites abordés dans cette étude. Le chapitre « Utopie et art sacré » s’intéresse particulièrement au couvent de la Tourette.

Architecture religieuse du XXe siècle en France, Presses universitaires de Renne, 2007
Actes du Colloque “Architecture religieuse du XXe siècle en France quel patrimoine ?” qui s’est tenu à Lille en 2004. L’ouvrage pose la question de la reconnaissance et de la préservation du patrimoine religieux du XXe siècle en France. Un Répertoire des édifices religieux protégés du XXe siècle figure en annexe.

@ Royan 2003. Renouveau de l’architecture sacrée à la reconstruction. Actes des rencontres nationales du 20 septembre 2003, CAUE 17
Actes du colloque téléchargeables en pdf sur le site web du CAUE de Charente-Maritime

Un présent qui passe : valoriser le patrimoine du XXe siècle : rencontres au Couvent de la Tourette, 1997-2000, organisées par le Réseau architecture Rhône-Alpes, CERTU, 2001

 

Documentation régionale, 2009


[1] Les dominicains constituent un ordre de frères prêcheurs, fondé au début du XIII siècle par Saint-Dominique. Ils font partie des frères mendiants et vivent donc de l’aumône et des dons, et non de l’exploitation de la terre. Les églises et les couvents dominicains sont traditionnellement implantés dans les villes, lieu où s’est développé cet ordre. Les couvents sont regroupés en provinces. Voir le site des Dominicains de France

[2] Le Père Marie-Alain Couturier (1894-1954) était un artiste mais aussi un théoricien de l’art. Il dirigeait la revue L’Art sacré en compagnie de Raymond Régamey. Ce dominicain s’est battu pour la renaissance de l’art sacré en France, impliquant architectes et artistes issus de l’art moderne dans la construction et la décoration d’édifices religieux comme sur le plateau d’Assy et à Ronchamp. Lire La critique architecturale dans la revue L’Art Sacré (1937-1968), Françoise Caussé, Livraisons d’histoire de l’architecture, 2001, vol 2 n°2 sur Persee.fr

[3] Cette source probable d’inspiration est mentionnée dans Le Couvent de la Tourette : Le Corbusier de Sergio Ferro, Chérif Kebbal, Philippe Potié, Cyrille Simonnet

[4] Entretien du Corbusier avec les frères, reproduit dans plusieurs ouvrages dont celui de Jean Petit, Un Couvent de le Corbusier

[5] protubérances qui devaient tapisser les parois internes pour améliorer la sonorité des lieux

[6] diffuseur sonore, sorte de pavillon de gramophone géant, qui devait être placé sur le toit de l’église

[7] Propos de Le Corbusier lors d’un entretien avec la communauté religieuse, reproduit dans l’ouvrage de Jean Petit

 

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