Aux eaux guérisseuses : petite histoire du thermalisme en Rhône-Alpes

- temps de lecture approximatif de 27 minutes 27 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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Destination cure de jouvence

En 2010, près d’un million de Français ont séjourné dans des stations thermales ou des centres de thalassothérapie. Les stations rhônalpines continuent d’attirer de plus en plus de curistes, venus combattre leur mal de dos, leur fatigue ou leurs kilos en trop. À l’occasion du dernier salon du tourisme Mahana, qui s’est tenu à Lyon du 4 au 6 février 2011, une chaîne de télévision spécialisée a même été lancée sur le web : balineae.tv., qui met en avant l’actualité de seize établissements thermaux de la région Rhône-Alpes. Des eaux pétillantes des monts du Forez aux eaux cristallines des régions alpines, les qualités médicales exceptionnelles des sources de la région méritent donc que l’on raconte leur histoire.

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La Pierre Tombante (Allevard)
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Sommaire

1. Histoire générale des villes d’eaux en Rhône-Alpes
- 1.1- Les villes d’eaux à travers les siècles
- 1.2- Qui sont les curistes ?

2. Imaginaire et patrimoine des villes d’eaux
- 2.1- Les pouvoirs de l’eau guérisseuse
- 2.2- Thermalisme et littérature
- 2.3- Une architecture bigarrée

3. Soigner le corps et l’esprit
- 3.1- Le thermalisme médical aujourd’hui en Rhône-Alpes
- 3.2- Soins + Loisirs, l’équation éternelle des villes d’eaux
- 3.3- À l’ère du bien-être…


2Histoire générale des villes d’eaux en Rhône-Alpes2

[actu]1.1- Les villes d’eaux à travers les siècles[actu]

- Aperçu express de l’histoire du thermalisme de l’Antiquité à nos jours
Dès la haute Antiquité, en Grèce, les sources sont considérées comme pouvant guérir les hommes miraculeusement, grâce à l’indulgence divine. Elles deviennent ensuite de véritables centres de soins hygiéniques et médicaux avec salles de consultation, installations sportives, etc. Les Romains, à leur tour, adoptent ces pratiques, qu’ils développent dans toutes les régions conquises. L’eau minérale, source de tous les bienfaits, sert aux bains, aux étuves, aux fumigations, aux douches, aux cataplasmes et aux bains de boue. Et dans le même temps, les thermes deviennent peu à peu des lieux de sociabilité, de distractions, voir même de plaisirs charnels et de licence ! Il devient vite évident que le christianisme, religion officielle depuis Théodose, ne peut tolérer ce genre de débauche. De plus, il s’agit pour lui de s’étendre aux régions païennes, donc d’enrayer l’ancien culte celte des sources et des fontaines…

Forte de ce double prétexte moralisateur et religieux, l’Eglise combat les soins thermaux avec virulence, au point que les établissements tombent dans l’oubli durant tout le Moyen Âge. Seuls les paysans et les populations locales utilisent encore les restes des installations antiques, soit pour eux-mêmes, soit pour faire boire leur bétail… C’est dire si, à la Renaissance, les bains ne jouissent pas d’une image très positive. Au XVII° siècle encore, le médecin Théophraste Renaudot, fondateur de la Gazette de France, prévient : « le bain, hors l’usage de la médecine ou une pressante nécessité, est non seulement superflu mais très dommageable aux hommes ». La médecine redécouvre pourtant les bienfaits des eaux minérales sur le corps humain ; les alchimistes pensent même que leur cheminement dans les entrailles de la terre leur confère des principes émanés des pierres précieuses et des végétaux…

L’Etat lui-même ne tarde pas à s’intéresser à la question : en 1605, Henri IV crée la Surintendance générale des bains et fontaines du royaume. À partir du règne de Louis XV, les recherches médicales, notamment lyonnaises, poussent à prospecter les sources salvatrices dans notre région, susceptibles de dispenser à la fois santé et richesse. À partir de la Révolution, une nouvelle orientation est donnée par l’Etat : fournir des soins gratuits aux indigents et aux militaires blessés. Un décret de l’Assemblée nationale constituante appuie ce projet dès 1792. Les sources d’Aix-les-Bains sont nationalisées en 1793, au moment où la Savoie devient l’éphémère département du Mont-Blanc. Sous Napoléon Ier, le thermalisme de cour se développe mais, hormis la noblesse d’empire, la clientèle huppée est presque totalement absente des stations françaises. Pour l’attirer et concurrencer les stations étrangères comme Spa ou Aix-la-Chapelle, un décret impérial de 1806 accorde un régime d’exception autorisant les jeux d’argent dans les villes d’eaux. Durant le Second Empire et la III° République, l’essor des transports et de la publicité, les investissements privés et les progrès de la thérapeutique thermale sont à l’origine de l’âge d’or du thermalisme.

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Les élégantes de Montrond-les-Bains
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Et si la Première Guerre mondiale met un coup d’arrêt à ce mouvement, le thermalisme retrouve le chemin de la prospérité dans l’entre-deux-guerres ; en 1919 est créée la Fédération Thermale Française. Après la Seconde Guerre mondiale, la période de mutation sociale et économique ouvre le thermalisme à une fréquentation plus populaire, avec la reconnaissance des cures par la Sécurité sociale en 1947. Il s’en suit un changement radical dans la fréquentation, puisque les curistes viennent désormais uniquement pour le soin, et non pour les loisirs raffinés des anciennes clientèles huppées. L’économie du jeu et des loisirs en pâtit, d’autant qu’à partir des années 1960, la thalassothérapie vient concurrencer le thermalisme, qui tombe alors dans une sorte de désuétude. Ce n’est que récemment que la balnéothérapie a repris des couleurs et rendu aux stations thermales rhônalpines leur attrait touristique autant que médical.

- Les débuts de quelques villes d’eaux rhônalpines
Souvent les sources que l’on connaît aujourd’hui étaient déjà exploitées dans l’Antiquité, puis elles ont été oubliées. C’est le cas, par exemple, des thermes de Saint-Laurent-les-Bains, en Ardèche, qui datent de l’époque romaine. L’exploitation moderne des eaux commence vers 1730, quand leur propriétaire, Mademoiselle de la Saigne, établit un petit local pour prendre des bains. De nombreuses sources sont aussi découvertes, notamment par des médecins lyonnais, comme c’est le cas à Orliénas, près de Lyon, dont les eaux ferrugineuses sont analysées dès 1777 par le chirurgien Maurice Bubaton. Très prisées à l’époque des Lumières, elles ne sont pas exploitées longtemps du fait du débit trop faible de la source. Quelques années plus tard, c’est une station de grand renom qui voit le jour : Aix-les-Bains. Connue pour ses eaux chaudes durant l’Antiquité, c’est par l’initiative du roi Victor-Amédée III que des thermes y sont construits en 1783. Il faut dire que, si les propriétés des eaux minérales sont connues depuis longtemps, leur accès est pour le moins difficile : les deux fontaines de soufre et d’alun sont protégées par des voûtes vétustes, et celle d’alun occupe « une caverne grouillante de serpents que les Aixois prétendent inoffensifs sur place mais venimeux hors de la ville »… Qu’à cela ne tienne : en 1885, la reine Victoria fait son premier séjour à Aix et entraîne à sa suite la haute société européenne.

Le début du XIXème siècle est une période faste pour la découverte ou la redécouverte de nouvelles sources en Rhône-Alpes. Les eaux des communes de Salins-les-Thermes et Brides-les-Bains, en Savoie, sont connues dès l’Antiquité ; pourtant il faut attendre la première moitié du XIX° siècle pour que le sel de l’une et les vertus de l’autre fassent la gloire d’établissements thermaux combattant les méfaits de l’arthrose et des rhumatismes d’une part, et l’obésité d’autre part. Au même moment, les eaux sulfureuses de Challes-les-Eaux, toujours en Savoie, retiennent elles aussi l’attention des médecins. Les sources d’Évian (Haute-Savoie) sont analysées en 1807 et 1808 ; en 1823 est fondée la Société des Eaux Minérales d’Évian, et son eau rencontre dès lors le succès que l’on connaît.

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La source Cachat (Evian)
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Plus au sud, en Isère, l’eau d’Allevard, captée en 1813, permet au village de concurrencer les thermes d’Uriage (ouverts juste après la Révolution française) en accueillant ses premiers curistes en 1836. Sept ans plus tard, à Charbonnières, dans la banlieue lyonnaise, un autre établissement ouvre ses portes. Une source y a été découverte en 1778 par le curé de la paroisse, l’abbé Marsonnat. Le succès est surtout local : 80% des curistes (et promeneurs) du lieu, rebaptisé Charbonnières-les-Bains, viennent de Lyon ou des alentours. À son tour, la station de Divonne-les-Bains voit le jour dans l’Ain en 1849 : c’est presque une évidence puisque le bourg tient son nom de Divona, déesse guérisseuse gauloise ! Suite au rattachement de la Savoie à la France, en 1860, deux nouvelles venues s’ajoutent à cette liste – non exhaustive – des sources guérisseuses rhônalpines : La Léchère et Thonon.

Citons encore les eaux des monts du Forez, dans la Loire, connues depuis toujours pour leurs qualités digestives. La légende raconte que François Ier lui-même apprécia les propriétés de l’eau de Saint-Galmier (qui n’est autre que la célèbre eau de Badoit) lorsqu’il passa dans la région. À une dizaine de kilomètre se trouve aujourd’hui la station thermale de Montrond-les-Bains, fondée en 1885.

[actu]1.2- Qui sont les curistes ? [actu]

- Curistes, touristes, mondains… Des motivations diverses
À partir de la seconde moitié du XIXème siècle, la population thermale devient très hétérogène : des curistes, des touristes séduits par les sites naturels – souvent montagneux – rendus plus accessible par le développement des transports, mais aussi des mondains, attirés par les casinos et le train de vie grandiose. C’est ainsi que, pendant les Années folles, cette clientèle à haut revenu fréquente les palaces, les opéras et les music-halls, joue au casino, danse le jazz ou le tango… On considère que dans ces villes d’eaux, la part de véritables curistes est inférieure à 50% de la clientèle ! Mais cela ne concerne que quelques stations, comme Aix, Brides ou Evian ; d’autres, plus petites, plus modestes aussi, accueillent surtout des patients, pour qui le soin passe avant le loisir. En effet une loi de 1905, héritage des idéaux de la Révolution française, assure toujours aux indigents de pouvoir se soigner gratuitement par les eaux.

- Quelques hôtes illustres
Plusieurs stations de Rhône-Alpes peuvent s’enorgueillir d’avoir reçu dans leurs établissements quelques figures illustres. En la matière, Aix-les-Bains détient un « palmarès » assez impressionnant. En 1885, 1887 et 1890, la ville a ainsi les honneurs de la reine Victoria, qui y séjourne sous le pseudonyme de « comtesse de Balmoral ». Elle sera suivie du roi Léopold II de Belgique (1894, 1895), de la reine Wilhelmine des Pays-Bas, de Georges Ier de Grèce (qui est même fait citoyen d’honneur de la ville), de l’Aga Khan et de Moulay Youssef, sultan du Maroc, accompagné de son fils, le futur Mohamed V. Les écrivains sont nombreux aussi : Madame de Staël, Benjamin Constant, Stendhal, Juliette Récamier, Balzac, Alexandre Dumas, Lamartine, Georges Sand et Paul Verlaine sont à compter parmi les curistes notoires des thermes d’Aix. Challes-les-Eaux, de son côté, compte Louis Aragon parmi ses hôtes. Le Royal Hôtel d’Evian accueille notamment Anna de Noailles, Marcel Proust, Igor Stravinsky ou encore Greta Garbo. Uriage, très à la mode dans les années 1920, reçoit Mistinguett, Maurice Chevalier, Colette, mais aussi Coco Chanel et Sacha Guitry. Pour finir ce rapide tour d’horizon du gratin mondain venu aux eaux rhônalpines, citons encore quelques figures de la clientèle d’Allevard-les-Bains, telles qu’Alphonse Daudet, Edouard Herriot (qui vient en 1899), Nadar, et même les frères Lumière en 1880.

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Les chaises à porteur,
pour se déplacer au chaud… et incognito
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- Pour en savoir plus :
Villes d’eaux, histoire du thermalisme
Loisirs et santé : le thermalisme en Europe des origines à nos jours, par Paul Gerbord
Le thermalisme à Aix-les-Bains au XIXe siècle (1783-1914) , par Nicole Pagotto
« Naissance et développement d’une station thermale : Divonne-les-Bains », par Raymond Grosgurin
Les débuts du thermalisme à Thonon-les-Bains, par Joseph Ticon
Deux siècles de thermalisme à Charbonnières-les-Bains, par Robert Putigny
Histoire vivante du thermalisme à Allevard, par Georges Salamand
Villes d’eaux et thermalisme en pays forézien sous l’Ancien Régime : un éternel retour, par Jacqueline Bayon
De Triviers à Challes-les-Eaux …150 ans de thermalisme, par Roger Dumollard
Moutiers, Brides, Salins : guide en Tarentaise, par Paul Collet
Uriage en 1900 : le séjour d’un curiste, par Bernard Honoré
Histoire de Vals-les-Bains, par Vincent Giraudier
Évian, aux sources d’une réussite : 1790-1914, par Françoise Breuillaud-Sottas

2Imaginaire et patrimoine des villes d’eaux2

[actu]2.1- Les pouvoirs de l’eau guérisseuse[actu]

- Une nature miraculeuse…
Michelet, dans le bouillonnement de la vase à Acqui (Italie), s’écriait : « Chère mère commune ! Nous sommes un. Je viens de vous, j’y retourne. Mais dites-moi franchement votre secret. Que faites-vous dans vos profondes ténèbres d’où vous m’envoyez cette âme chaude, puissante, rajeunissante qui veut me faire vivre encore ? Qu’y faites-vous ? ». L’idée d’une eau miraculeuse et des mystères de la terre-mère est assez courante dans l’imaginaire thermal. L’eau est considérée comme un élément primordial, une puissance modelant la Terre et dispensant la vie.

- mais parfois capricieuse
Issue des entrailles de la terre, l’eau peut pourtant jouer de méchants tours aux adeptes des sources thermales. C’est le cas par exemple à Saint-Gervais, en Haute-Savoie : adossé à la montagne, le premier établissement thermal y est créé au début des années 1830, à l’écart du bourg. Hélas, à l’été 1892, une poche d’eau se rompt dans le glacier de Tête-Rousse, situé juste au dessus, ce qui provoque une immense coulée de boue qui détruit brutalement les installations, faisant près de 200 victimes.

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Le Bout du Monde (Allevard)
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[actu]2.2- Thermalisme et littérature[actu]

- Les gens de lettre aux eaux
Sans aucun doute, l’imaginaire des eaux et de la nature, ainsi que les soins et les loisirs ont inspiré la littérature. Propices à la rêverie, les contraintes de la cure comportent de longues heures de « fausse léthargie » qui incitent à l’introspection et aux fantasmes. La villégiature thermale est comme une sorte de bulle dans la vie des curistes, et se prête aux rencontres particulières. Plusieurs écrivains célèbres, déjà cités plus haut, ont ainsi été inspirés à Aix-les-Bains. En 1832 Balzac y écrit une bonne partie de son roman Le Médecin de campagne (1833). Mais qui dit soin ne dit pas toujours partie de plaisir ; aussi Alphonse Daudet décrit-il l’ambiance assez morne d’« Arvillard-les-Bains », parodie d’Allevard, dans Numa Roumestan(1881) : « C’est bien curieux, va, l’endroit d’où je t’écris. Imagine une salle carrée, très haute, stuquée, sonore, […] une sorte de buée flottante, à goût de soufre, qui colle aux habits, ternit les bijoux d’or ; là-dedans, des gens assis contre les murs sur des bancs, des chaises, des tabourets, […] un recueillement d’église, baigné, rafraîchi par le grand jet d’eau minérale installé au milieu de la salle […] C’est la salle d’inhalation. » Citons encore Guy de Maupassant, qui a fréquenté Divonne et Aix-les-Bains, et qui décrit dans l’un de ses romans un désagréable lavage d’estomac à l’eau minérale.

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La grotte Lamartine et le lac du Bourget
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- De la cure à la contemplation : les villes d’eaux, écrin du romantisme
L’essor du thermalisme coïncide au XIXème siècle avec celui du tourisme. La montagne, notamment, est redécouverte, et toute une littérature de voyage se met en place avant le développement, à partir des années 1850, des premiers guides touristiques. Les « panoramas » connaissent un grand succès, et nombreuses sont les gravures – puis les lithographies – qui reproduisent les paysages entourant les stations thermales. Les romantiques, dès le début du siècle, sont particulièrement sensibles à cet environnement tantôt grandiose ou mélancolique, composé de lacs, de forêts, de cascades et de sommets impressionnants. La ville d’eaux est donc l’endroit idéal pour vivre sa solitude, et même des amours passionnés… Alphonse de Lamartine inaugure ainsi ces amours romantiques en 1816, auprès de celle qu’il appellera Elvire dans son poème Le Lac.

[actu]2.3- Une architecture bigarrée[actu]

- Des décors et des styles
L’Antiquité est la première (et vaste) période durant laquelle des thermes sont érigés. Si leurs vestiges sont encore utilisés au Moyen Âge par les pauvres et les paysans locaux, il faut attendre les années 1800 pour que l’architecture thermale moderne soit réellement lancée. Les établissements thermaux sont alors indissociables d’un imaginaire tourné vers l’Antiquité, en même temps que d’un idéal de villégiature romantique, et des besoins fonctionnels des structures de soin. La référence antique se retrouve le plus souvent au niveau des décors (la statuaire, par exemple). Les façades, quant à elles, sont soit de style néo-classique, soit de style éclectique (c’est-à-dire d’inspiration régionale, coloniale ou mauresque – comme à La Léchère, en Savoie). Les matériaux intérieurs doivent sacrifier aux préoccupations hygiéniques avec, notamment, l’apparition de revêtements de faïence. Ainsi sont utilisées des surfaces lisses et blanches fidèles à une symbolique de pureté de l’eau, ou bien des décors de style oriental qui ne sont pas sans rappeler les expositions universelles. De longues galeries de bains sont créées, alors que les larges piscines disparaissent au profit de salles de soin ou de gymnastique. De magnifiques décors sont réalisés suivant les courants artistiques : citons le style Art Nouveau qui orne le hall des thermes d’Évian au début du XX° siècle, ou encore le style Art Déco des thermes Pétriaux, bâtis à Aix en 1934.

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Patrimoine et traditions du thermalisme


Dans l’ensemble, l’établissement thermal garde une certaine homogénéité architecturale. Les autres structures feront place à plus de fantaisie. Ainsi les hôtels, et surtout ceux que l’on appelle « Grand hôtel », se doivent d’être reconnaissables au premier coup d’œil par leurs nombreuses ornementations : tourelles, colonnades, marquises, porte à tambour… Il s’agit aussi de soigner l’apparence générale de la ville, en ménageant parcs, plans d’eau et autres circulations paysagées. Les fastes du site ont donc tout pour faire oublier les réalités parfois désagréables des traitements médicaux, à grand renfort de stucs, de décors surchargés ou exotiques, de galeries, de verrières ou de kiosques à musique.

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Casino Le Grand Cercle (Aix-les-Bains)
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- Thermes, hôtel, casino : les trois pôles des villes d’eaux
Petit à petit, les trois principales fonctions de l’établissement thermal – soigner, loger et divertir – éclatent en trois structures distinctes. Aux thermes de Saint-Gervais par exemple, tous ces éléments sont encore dans le même ensemble immobilier avant la catastrophe de 1892 ; mais l’usage est désormais à la construction de thermes, d’hôtels et de structures de loisirs (kiosques, casino, salles de fêtes), et les nouveaux thermes de la commune obéiront à cette nouvelle règle.

Outre les kiosques et les salles de fêtes, le casino se développe au XIXème siècle pour devenir un lieu de jeux de hasard, mais aussi un espace avec ses restaurants, ses salons de thés, ses salles de spectacle et de lecture, ses bals et ses promenoirs. Au niveau des structures hôtelières, la période correspond à l’âge d’or des palaces ; mais cette hôtellerie de luxe ne résiste pas au changement de clientèle qui s’effectue après la Deuxième Guerre mondiale. À partir de cette période, les stations sont en effet fortement concurrencées par celles du bord de mer (Côte d’Azur) ou par des destinations plus exotiques. D’autre part, les mesures prises par la Sécurité Sociale en 1947 pour prendre en charge les traitements thermaux ont amené une clientèle moins fortunée, bien éloignée des considérations mondaines. Nombreux sont les palaces qui sont transformés en résidences, notamment les anciens « Excelsior », « Splendide » ou « Royal » qui s’étendaient autrefois sur les coteaux d’Aix-les-Bains.

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L’entrée du casino de Charbonnières-les-Bains
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- Pour en savoir plus :
En Coutère (revue du Club Histoire et Traditions Locales de Saint-Gervais)
Cités thermales en Europe, par Mihail Moldoveanu
Patrimoine et tradition du thermalisme, par André Authier
Villes d’eaux : architecture publique des stations thermales et balnéaires, par Bernard Toulier
La vie quotidienne dans les villes d’eaux : 1850-1914, par Armand Wallon
Alphonse Daudet à Allevard : “Numa Roumestan”, une cure thermale, août 1879, par Georges Salamand
Une cure thermale : Verlaine à Aix-les-Bains décembre 1958, par Pierre Valéry-Radot

2Soigner le corps et l’esprit2

[actu]3.1- Le thermalisme médical aujourd’hui en Rhône-Alpes[actu]

- Quelles eaux pour quels maux ?
Sur le plan scientifique, le XIXème siècle est aussi marqué par les progrès des sciences physico-chimiques qui font évoluer la médecine vers la recherche des mécanismes d’action des eaux thermales sur l’organisme. C’est ainsi qu’aujourd’hui, chaque station thermale est spécialisée dans le traitement d’un ou deux types de pathologie. Divonne-les-Bains soigne les douleurs liées au stress ; notons d’ailleurs la tenue, le 1er avril prochain, des Rencontres de Divonne, qui rassembleront médecins et managers autour des problèmes liés au stress professionnel. L’eau d’Allevard agit sur les affections respiratoires, tandis que les stations de Vals-les-Bains et de Montrond se sont développées autour du traitement des maladies et douleurs de l’appareil digestif. À Brides-les-Bains, les sources Philbert et Ybord jouent un rôle actif sur la circulation, le tonus cutané et la rétention d’eau, ce qui fait de la ville un haut lieu de lutte contre l’obésité. Les sources voisines de Salins-les-Thermes, elles, s’attaquent aux phénomènes inflammatoires de l’arthrose, tout comme les eaux de Montbrun, qui traitent aussi l’ostéoporose et les séquelles de traumatismes osseux. Pour les problèmes d’ordre dermatologique, on fréquentera plutôt les thermes d’Uriage ; pour les problèmes de circulation sanguine ou de souplesse articulaire, les eaux de Neyrac-les-Bains sont conseillées. Les eaux gazeuses de Saint-Laurent-les-Bains soigneront les sciatiques, les hernies discales et la polyarthrite rhumatoïde, et celles de Saint-Gervais rendront de nombreux services aux grands brûlés et aux personnes souffrant d’eczéma.

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La source Hybord de Brides-les-Bains
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- À chaque douleur son soin
Généralement, une cure thermale dure environ trois semaines. Depuis 1947, le thermalisme social fonctionne selon le principe de l’entente préalable, qui peut être demandée sur prescription médicale, et qui conditionne la prise en charge par les organismes sociaux. L’utilisation des eaux minérales se fait grâce à des techniques variées prescrites par le médecin thermal. Les cures de boisson sont dosées en fonction de la pathologie (doses faibles pour les indications digestives, ou importantes pour les calculs urinaires, par exemple). Les bains, en baignoire ou en piscine, facilitent la mobilité articulaire ; ils ont un effet décontracturant et peuvent donner lieu à des massages hydriques. La douche peut être sédative ou stimulante, et existe sous de nombreuses formes (au jet plein ou brisé, thérébentinée, en cercle avec rampe circulaire, etc.). Les boues, quant à elles, sont plus utilisées en applications locales qu’en bains ; enfin, les vapeurs et gaz ont un effet décongestionnant (vaporium, étuve, etc.) De nombreuses techniques apportent aussi l’eau au niveau des muqueuses respiratoires ou digestives (pulvérisations, gargarismes, humage, douches digestives, lavements…). Mais la cure thermale ne se contente pas de soigner les maux du corps : elle est aussi l’occasion de soigner l’esprit et de changer ses habitudes. Ainsi la climatothérapie est-elle une composante importante du processus de guérison, et de nombreux centres thermaux, en plus de soigner leurs infrastructures et leur cadre naturel, proposent des activités de prévention (diététique, sevrage tabagique, exercice physique, etc.).

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Villes d’eaux : stations thermales et balneaires

[actu]3.2- Soins + Loisirs, l’équation éternelle des villes d’eaux[actu]

- Confort, luxe et volupté
Les débuts de la publicité témoignent de la volonté des stations thermales d’insister sur les délices du séjour en cure. On imagine assez bien, en effet, que la vue d’un curiste subissant son traitement par tout un arsenal de tuyauteries ne fasse pas particulièrement envie aux potentiels hôtes de la station. Aussi les affiches présentent-elles plutôt la façade du Grand Hôtel du lieu, avec une jeune et élégante curiste en premier plan, par exemple. Les slogans sont aussi importants que l’image pour faire rêver, et c’est ce qui pousse Aix à se présenter pendant un temps comme « la station des Reines, la Reine des stations ». Ces campagnes publicitaires sont souvent le fait des compagnies ferroviaires, alors en pleine expansion ; d’ailleurs, la compagnie Paris Lyon Méditerranée (PLM) met même en place des trains spéciaux pour les cures, comme le Paris-Aix-les-Bains-Express. Les infrastructures d’hébergement, vitrines du prestige de la station, voient bientôt naître une nouvelle catégorie d’hôtels, les palaces, dotés de salons de coiffure et de magasins de luxe. L’on a vu à quel point les casinos, eux aussi, peuvent être de véritables complexes de loisirs. Pourtant, en même temps que la clientèle change dans le courant du XX° siècle, ils ont à subir une véritable désaffectation. Nombreux sont ceux qui connaissent des difficultés financières ; en fait, il semble que les plus prospères soient été ceux qui bénéficient d’une clientèle autre que curiste. Se trouvant à proximité de la grande ville de Lyon, le casino de Charbonnière-les-Bains attire toujours la clientèle, et il a même survécu à l’établissement thermal qui est désormais fermé. Dans le même ordre d’idée, le casino de Divonne, créé en 1955, est actuellement le premier casino de France, notamment en raison de sa proximité avec la Suisse. Aujourd’hui, de nombreuses activités ludiques sont proposées aux curistes des villes d’eaux : golfs, centres nautiques (comme à Thonon-les-Bains), hippodromes, restaurants gastronomiques, etc.



Promenade à dromadaire à Charbonnières-les-Bains


- Les distractions au fil du temps
La profusion des distractions vise donc à faire oublier le temps passé à se soigner. Et la vie du curiste, dès le XIXème siècle, est parfaitement réglée : soins matinaux, promenades, siestes, concert, bals, théâtre, casino… La vie mondaine se développe également par diverses animations. Ainsi naît par exemple la Fête des Fleurs d’Aix-les-Bains en 1892, qui est toujours d’actualité avec ses chars fleuris et ses décorations spectaculaires. D’autre part, différents concours sont organisés : concours canins, concours d’élégance automobile, corsos d’enfants, concours d’élégance féminine… Quelques sociétés, comme à Aix, Evian ou Thonon, proposent également des promenades en barque ou en bateau à vapeur. Aujourd’hui, les activités de plein air ne manquent pas, et sont même assez en phase avec le désir actuel de communion avec la nature.

[actu]3.3- A l’ère du bien-être…[actu]

- La nature aux petits soins

Car au-delà de la médicalisation, de plus en plus d’adeptes du thermalisme recherchent, sans jeu de mot, les bienfaits d’un « retour aux sources » : c’est un fait, le naturel est devenu tendance. Cette recherche de bien-être correspond sans doute à l’apparition d’un nouveau rapport au corps, à partir des années 1960 : il s’agit désormais de prendre soin de soi, de s’entretenir, de suivre des programmes de « remise en forme ». Et ce qui fit la gloire de la thalassothérapie semble désormais faire la (nouvelle) gloire du thermalisme, notamment en Rhône-Alpes où la marque Balineae, créée en 2009, regroupe les principales stations thermales de la région dans une optique de développement des savoir-faire du « mieux être ». Rupture avec le quotidien, retour sur soi hors du stress de la vie professionnelle et urbaine… Nombreuses donc sont les stations qui, en 2011, se sont équipées de spas et proposent soins cosmétiques, thérapies diverses, cours de yoga, massages aux huiles essentielles et conseils diététiques pour se sentir mieux dans son corps.

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Pour une cure de détente à Uriage…
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- Pour en savoir plus :
Guérir en Rhône-Alpes, par René Crozet
Au bonheur des thermespar Jean-Marie Boëlle
Le thermalisme dans la région Rhône-Alpes, par Lionel Thierry
Guide des eaux : eau de source, eau minérale et thermalisme, par Sandrine Guérin
Remise en forme : thalasso, thermalisme, spa, balnéo : 2010-2011
Les pouvoirs publics et le thermalisme, par Jean Cluzel
webzine Lyon Entreprise : « Le thermalisme rhônalpin a retrouvé la forme
balineae.tv : la chaîne thermale en Rhône-Alpes (première chaîne en France à être spécialisée sur la question)

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