Francis Scott Fitzgerald

Le rêveur désenchanté des années folles

- temps de lecture approximatif de 10 minutes 10 min - Modifié le 30/09/2016 par gjoly

Auteur emblématique des années vingt, Francis Scott Fitzgerald est sans doute celui qui en résume le mieux ses plaisirs et ses excès, mais aussi ses contradictions et ses angoisses.

Francis Scott Fitzgerald
Francis Scott Fitzgerald

 

Des fêtes débridées de Gatsby le Magnifique, où l’on danse le Charleston au son d’un orchestre de jazz, aux errances européennes des expatriés américains de Tendre est la nuit, toujours reste en arrière plan de son œuvre cette mélancolie, cette « fêlure » que l’auteur connaissait si bien et qui s’attache éternellement aux pas de ses héros.

 

Être « l’un des plus grands écrivains de tous les temps »

 

L’existence de Francis Scott Fitzgerald s’ouvre en 1896, à Saint-Paul dans le Minnesota, un état du Midwest au cadre éloigné des grandes villes cosmopolites qui formeront les décors majeurs de ses romans. Le jeune Scott reçoit une éducation soignée, en dépit des difficultés financières de son père, homme d’affaires malchanceux. Peu intéressé par l’école, il fait preuve en revanche d’une aisance précoce avec les mots qui lui donne très tôt conscience qu’un destin littéraire d’exception lui est promis. A Edmund Wilson, camarade d’université et futur homme de lettres, il dira qu’il ambitionne tout simplement de devenir « l’un des plus grands écrivains de tous les temps ».

En 1913 le voilà admis à la prestigieuse université de Princeton, où il connaîtra l’amertume d’être un jeune homme pauvre parmi les riches, mais aura aussi l’opportunité de devenir le témoin privilégié d’un univers où domine argent et paraître, et dont il sera le peintre fasciné mais terriblement lucide.

Après de chaotiques études universitaires, Fitzgerald est appelé  sous les drapeaux en 1917. De la Première Guerre Mondiale il ne connaîtra toutefois qu’un camp d’entraînement dans le sud des États-Unis, l’armistice étant signé entre temps. Épris de gloire, cette non-participation au conflit suscitera en lui le regret profond de n’avoir pu s’illustrer sur les champs de batailles.

Mais tout ne sera pas vain dans ce passage à l’armée puisqu’il lui donnera l’occasion de rencontrer celle qui allait devenir sa future épouse : Zelda Sayre. Originaire de l’Alabama, cette dernière est une jeune femme libre, anticonformiste, et aussi avide de gloire et de renommée que Fitzgerald. Tous deux formeront un couple phare des années vingt, enchaînant fêtes et excentricités mondaines, avant de s’entraîner mutuellement dans une descente aux enfers autodestructrice.

 

Zelda

Zelda, femme et muse de Fitzgerald

Les Heureux…

En 1920, et après plusieurs phases de réécriture, paraît son premier ouvrage, L’Envers du Paradis, avec pour slogan publicitaire, rédigé de la main même de l’auteur : « Roman sur les garçonnes écrit à l’attention  des philosophes ».

Portrait de la jeune génération de l’après-guerre, L’Envers du Paradis suscite un véritable engouement lors de sa parution, et fait de Fitzgerald la coqueluche de la presse, qui voit en lui le nouveau prodige de la scène littéraire américaine.

Fitzgerald en 1921. Au temps des premiers succès.

Fitzgerald en 1921. Au temps des premiers succès.

Ce succès de bon augure permet à Scott d’épouser Zelda, quelques jours à peine après la sortie de son roman. Débute alors pour eux deux une période d’euphorie et de fêtes, marquée par une vie itinérante entre l’Europe et les États-Unis. La France, notamment, devient une terre d’élection pour le jeune couple qui multipliera les résidences entre Paris et la Côte d’Azur.

Les séjours parisiens, émaillés de beuveries, permettront à Fitzgerald de nouer quelques amitiés dans le monde des lettres, notamment avec un jeune écrivain débutant, Ernest Hemingway. Les deux hommes entretiendront par la suite une relation des plus chaotiques, partagée entre admiration et jalousie pour leur talent respectif. Un aperçu de leurs rapports sera donné par Hemingway lui-même dans son Paris est une fête, ou il relate notamment un périple entre Paris et Lyon des plus houleux, du fait des problèmes d’alcoolisme de Fitzgerald.

En 1922 est édité son second ouvrage, Les Heureux et les  Damnés (parfois traduit en français par Beaux et Damnés), où Fitzgerald se représente de manière à peine voilée sous les traits de son héros. Sa production littéraire ne s’arrête toutefois pas à ses romans, puisqu’il fait paraître, plutôt par nécessité financières, de nombreuses nouvelles, peintures toujours fidèles de son époque mais avec parfois une connotation fantastique comme L’étrange histoire de Benjamin Button, ou Un diamant gros comme le Ritz.

En 1925 paraît Gatsby le Magnifique (1925), court roman devenu l’une des œuvres emblématiques des années vingt et l’ouvrage le plus connu de Fitzgerald, de même que Gatsby est devenu son personnage le plus célèbre.

Couverture de la première édition de Gatsby le Magnifique

Couverture de la première édition de Gatsby le Magnifique

Millionnaire mystérieux, aussi romantique que naïf, Gatsby est un jeune homme pauvre qui s’est acharné à faire fortune pour créer, dans son manoir de Long Island, un monde de fêtes enchantées, à seule fin de ramener à lui la femme qu’il a aimée jadis. Courant après un passé idéalisé, il devient le metteur en scène d’un univers factice auquel il dévoue sa fortune.

Tout comme le Dick Diver de Tendre est la nuit, Gatsby représente le héros « fitzgeraldien » par excellence. Romantique et idéaliste, il cherche à donner corps au rêve intense qui l’anime. Mais lorsque Daisy, la jeune femme qu’il voulait reconquérir l’abandonne, lui, le nouveau riche qui ne peut s’assimiler au monde des vieilles fortunes dont elle est issue, cet univers qu’il avait crée pour elle s’effondre.

 

… et les Damnés

Cette période de créativité littéraire et d’allégresse prend fin en même temps que les années 20. L’Amérique qui est entrée en pleine crise économique ne s’intéresse plus au monde sophistiqué et aux tourments des riches héros de Fitzgerald.

Dans sa vie privée, ce dernier doit faire face à de nombreux problèmes, à commencer par son addiction à l’alcool, devenue une véritable nécessité pour écrire. Quant à Zelda, ne pouvant supporter de vivre dans l’ombre de son mari, cherchant à être elle-même reconnue en tant qu’artiste, elle se réfugie dans l’apprentissage de la danse. Mais en dépit de son acharnement, elle essuie un échec qui l’entraîne dans la dépression. S’ensuit un séjour en hôpital psychiatrique en Suisse, premier d’une longue série, où elle parviendra toutefois à écrire et faire publier son unique roman, quasi autobiographique, Accordez-moi cette valse (1932).

En 1934 paraît le dernier roman de Fitzgerald, Tendre est la nuit. Fruit d’un travail de neuf années, et véritable magnum opus de l’auteur, on y trouve tous les thèmes qui parcourent ses récits. Narrant la dissolution d’un couple, en apparence brillant et heureux mais intérieurement rongé par la folie et l’alcool, c’est un amer portrait de Zelda et de lui-même que livre ici Fitzgerald. C’est également une chronique nostalgique des années vingt où il invite le lecteur à voyager dans les différents pays et villes qu’il a parcourus, des plages de la Côte d’Azur aux montagnes suisses, en passant par les palaces parisiens.

 

Tendre est la nuit : couverture de la première édition

Tendre est la nuit : couverture de la première édition

A sa sortie l’ouvrage est un échec. Il est pourtant aujourd’hui considéré comme le chef-d’œuvre de son auteur.

Après Tendre est la nuit, Fitzgerald peine de plus en plus à écrire. Bon nombre de ses articles et nouvelles ne rencontrent plus qu’un succès mitigé, poussant les journaux et les maisons d’éditions à se détourner de lui. Sa situation matérielle se dégrade, aggravée encore par la nécessité de faire interner Zelda, qui sombre dans la schizophrénie. Vivant désormais coupée de son mari, cette dernière alterne les résidences en maisons de santé et les séjours dans sa famille en Alabama.

Embauché comme scénariste à Hollywood, Fitzgerald, qui n’est plus que l’ombre de l’écrivain qu’il a été, se plie difficilement aux contraintes imposées par les studios. Ce qui ne l’empêchera pas de participer à la création de quelques films devenus des classiques, comme Autant en emporte le vent ou Femmes de Georges Cukor.

Cette expérience professionnelle difficile lui inspire toutefois une nouvelle œuvre ayant pour cadre les coulisses hollywoodiennes, Le dernier nabab. L’ouvrage restera inachevé. Le 21 décembre 1941, Fitzgerald, qui semblait sur le point de relancer sa carrière, décède brutalement d’une crise cardiaque à l’âge de 44 ans.

Zelda, sa muse égarée, le rejoindra en 1948 après avoir trouvé la mort dans l’incendie de la maison de santé où elle séjournait. Celle qui avait été une flamboyante « garçonne » des années vingt, menait alors une vie de recluse en Alabama, où, entourée par sa famille, elle avait fini par trouver un semblant de sérénité.

 

Chroniqueur attitré des années folles, Francis Scott Fitzgerald laissa une œuvre marquée d’une forte empreinte autobiographique. Miroirs de leur auteur, ses ouvrages ciselés dans une prose aussi élégante que musicale, restent aujourd’hui une lecture passionnante qui ne cesse de nous renvoyer à nos propres rêves et déceptions.

Trop tôt consumées parce que trop ardentes, les vies de Scott et Zelda semblent dominées par un terrible gâchis, mais aussi et surtout par la quête perpétuelle d’un bonheur qui ne cessa de se dérober, comme Fitzgerald l’exprimait lui-même en conclusion de Gatsby :

«  Il nous a échappé alors, mais qu’importe – demain, nous courrons plus vite, nous tendrons plus loin les bras… Et un  beau matin –

Ainsi nous continuons à frapper l’eau, barques luttant contre le courant, repoussées sans trêves vers le passé. »

 

 

Si vous voulez aller plus loin :

 

Œuvres de F. Scott Fitzgerald :

Romans :

L’Envers du Paradis (1920)

Les Heureux et les Damnés (1922)

Gatsby le Magnifique (1925)

Tendre est la nuit (1934)

Le Dernier Nabab (1941, publié inachevé)

 

Contes de l'âge du Jazz

La première édition des Contes de l’âge du Jazz.

 

Nouvelles :

Fitzgerald écrivit plus d’une centaine de nouvelles. Ci-dessous une sélection de quelques recueils parus récemment en français :

– Un diamante gros comme le Ritz

– Tous les jeunes gens tristes

– Contes de l’âge du Jazz

– La fêlure

Vous pourrez également trouver la majorité de ses nouvelles dans les deux tomes des Œuvres de Fitzgerald parues dans la Pléiade.

 

Théâtre :

Le Légume (1923)

 

Cette liste serait incomplète si l’on ne mentionnait pas le roman de Zelda, récemment réédité : Accordez-moi cette valse.

 

 

Sur F. Scott Fitzgerald :

 – Elizabeth Bouzonviller, Francis Scott Fitzgerald : écrivain du déséquilibre, Paris, Belin, 2000.

 

– Matthew J. Bruccoli,  F. Scott Fitzgerald : une certaine grandeur épique, Paris, La Table Ronde, 1994. La biographie de référence.

 

– Lilian Kerjan,  Fitzgerald : le désenchanté, Paris, Albin Michel, 2013.

 

Scott et Zelda Fitzgerald dans la fiction :

 Pietro Citati,  La mort du papillon : Zelda et Francis Scott Fitzgerald, Paris, Gallimard, 2007.

 

 – Gilles Leroy,  Alabama song, Paris, Gallimard, 2014. Une biographie romancée de la vie de Zelda.

 

– Stewart O’Nan,  Derniers feux sur Sunset, Editions de l’Olivier, 2016.

 

 – Christian Siméon,  Brûlez-là !,  Paris, L’Avant-scène théâtre, 2016. Une pièce de théâtre qui revient sur la fin tragique de Zelda.

 

– Jacques Tournier,  Zelda, Paris, Grasset, 2008.

 

Au cinéma :

– Jack Clayton, Gatsby le Magnifique, sur un scénario de Francis Ford Coppola. Avec Robert Redford et Mia Farrow.

 

– Baz Luhrmann, Gatsby le Magnifique. Avec Leonardo DiCaprio et Carey Mulligan.

 

– Elia Kazan, Le dernier nabab. Avec Robert De Niro.

 

– David Fincher, L’étrange histoire de Benjamin Button. Film qui prend comme point de départ la nouvelle de Fitzgerald.

 

Enfin il est à signaler que la vie et la personnalité de F. Scott Fitzgerald n’ont pas laissé indifférents les réalisateurs. En 1959 Henri King réalise Un matin comme les autres qui revient sur les dernières années à Hollywood de Fitzgerald (Gregory Peck). En 2011 Zelda et Scott apparaissent le temps d’une fête chez Woody Allen dans Minuit à Paris et plus récemment le personnage de Fitzgerald faisait une apparition dans Genius, sous les traits de Guy Pearce.

 

En bonus :

Vous pouvez écouter ci-dessous l’un des poèmes préférés de F. Scott Fitzgerald, Ode à un rossignol de John Keats, lu par Fitzgerald en personne :

https://www.youtube.com/watch?v=JeFtMBZWrjc

 

 

Partager cet article