En suivant les mages…

- temps de lecture approximatif de 8 minutes 8 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Le 6 janvier, les chrétiens célèbrent la fête de l'Epiphanie, la « manifestation » de la divinité de Jésus. En Orient, l'Epiphanie a d'abord commémoré l'adoration des mages lors de la naissance de Jésus, son baptême dans le Jourdain et le miracle des Noces de Cana.

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La visite des mages a progressivement supplanté cette interprétation en Occident, la célébration de la nativité étant avancée au 25 décembre. Les églises arméniennes et coptes continuent quant à elles à fêter la naissance du Christ le 6 janvier.
La récente traduction en français de l’ouvrage de Richard C. Traxler consacré à la représentation des mages au cours de l’histoire nous a incités à leur emboîter le pas. En cours de route, d’autres ouvrages nous ont servi de boussole, d’étoile…

Le voyage des mages à travers l’histoire, par Richard C. TREXLER, Ed. Armand Colin

Retour aux textes

L’évangéliste Matthieu rapporte l’adoration des mages, Luc celle des bergers.
Thème récurrent de l’art paléochrétien (notamment dans les catacombes et sur les sarcophages), la représentation de l’adoration des mages a rapidement éclipsé celle des bergers, préférence due sans doute à la charge symbolique de la première : promesse et signe de l’expansion de la foi chrétienne en terre païenne. En effet, cet évènement viendrait accomplir l’Ancien Testament, notamment Psaume 72 et Esaïe 60.
Ce sont ces mêmes textes, selon lesquels « Les rois de Tarsis et des îles paieront des tributs, Les rois de Seba et de Saba offriront des présents » qui plus tard serviront de justification aux souverains chrétiens pour mener leurs expéditions conquérantes.

Mages ou rois ?

Le texte biblique ne parle pas de rois. Ces mages viennent d’Orient ; ce sont des sages, des savants, peut-être des astrologues informés de l’effervescence messianique régnant en Judée au Ier siècle qui se sont mis en route. Etant passés par Jérusalem où leur recherche d’un “roi” inquiète Hérode, ils sont conduits par l’étoile jusqu’à Bethléem où ils trouvent l’enfant Jésus. Avertis par un ange du danger, ils repartiront par un “autre chemin”.
On a pu évoquer la comète de Halley, une conjonction particulière des planètes Saturne et Jupiter, une supernova pour endosser le rôle de cette manifestation divine. Certains artistes ne se sont pas fourvoyés sur le sens de ce signe qui, dans l’Ancien Testament, est censé annoncer la naissance du Messie, et ont placé un enfant Jésus au firmament, comme c’est le cas de Rogier van der Weyden, par Dirk DE VOS, Ed. Hazan dans le Triptyque Bladelin.

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D’autres reproductions dans La nativité dans l’art médiéval, par Teresa PEREZ-HIGUERA, Ed. Citadelles et Mazenod.

Leur nombre n’est pas fixé au départ, le texte de l’évangéliste ne le précisant pas. Assez rapidement il se fixe à 3 en Occident, on en verra jusqu’à 12 en Syrie et en Arménie (symbolisant les 12 tribus d’Israël ou préfigurant les 12 apôtres).
En définitive, ils seront trois, comme les présents apportés, or, encens, myrrhe, mais aussi 3, comme le Père, le Fils, l’Esprit, les 3 fils de Noé, les 3 âges de la vie, les 3 races. Indifférenciés au-départ, leur individualité s’affirmera progressivement, notamment par l’attribution de noms (Gaspard, Melchior, Balthazar).

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Mosaïque de Sant’Apollinare Nuovo de Ravenne, dont vous retrouverez de nombreuses autres magnifiques reproductions dans Mosaïques de Ravenne, par Giuseppe BOVINI, Ed. Plon.

Jusqu’au VIIIe siècle ils sont ainsi représentés, vêtus d’une courte tunique serrée à la taille, cape au vent et bonnet phrygien : le costume porté à la fois par les orientaux (Mèdes, Persans) et les peuples barbares et germaniques, tenue que les premiers chrétiens connaissaient grâce au culte voué à Mithra fort en vogue à la même époque dans le bassin méditerranéen et concurrent du christianisme à ses débuts.

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Dans l’empire byzantin les mages furent assez rapidement assimilés à des ambassadeurs, voire des rois venus déposer leurs insignes de pouvoir et leurs tributs aux pieds de l’enfant Dieu. A l’époque romaine, les dons étaient en fait des tributs en échange de la paix romaine. Il s’agissait souvent de couronnes d’or que l’on pouvait fondre. Ces biens rares et précieux apportés par les mages sont ainsi perçus comme des dons diplomatiques.
En Occident, ce n’est qu’au Xe siècle que les mages apparurent couronnés. Les souverains chrétiens prirent l’habitude de représentations picturales ou dramatiques où, déposant leurs couronnes et leurs présents devant un « roi » plus grand qu’eux-mêmes, ils incitaient leurs sujets à faire de même envers eux.
Les mages incarnèrent ainsi le pouvoir pendant tout le Moyen-Age, mais donnèrent aussi, par le biais du troisième roi mage, une mise en scène possible de la « différence ».

Le troisième roi mage : jeune, efféminé et/ou noir

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L’iconographie des rois mages nous les présente tout d’abord dans les trois âges de la vie : le vieillard, l’homme dans la force de l’âge, le jeune. La tendance à représenter le troisième roi avec des traits efféminés s’amplifie progressivement aux alentours du XIVe siècle. Le développement des contacts avec l’Afrique correspondra avec l’apparition d’un roi noir au cours du XVe siècle.

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Les 12 jours de Noël ou le monde à l’envers

La période qui s’étend de Noël à l’Epiphanie, période de jours courts avant le retour progressif de la lumière, était déjà à l’époque romaine, l’occasion de fêtes, de déguisements, d’échanges de cadeaux.

Lors des saturnales (fin décembre), les Romains avaient l’habitude d’offrir des cadeaux, en particulier aux enfants : anneaux, cachets, et menus objets. Cette fête des sigillaires donnait lieu à des festins pour lesquels les maisons étaient décorées de plantes vertes. De même, aux calendes de janvier, on procédait à des échanges de pièces de monnaie, les strenae (étrennes). Du VIe au XIe siècle, les pains eucharistiques eurent la forme de couronnes, les hosties de pièces de monnaie, à l’instar des cadeaux ou des tributs des fêtes païennes. Une peinture murale du Xe-XIe siècle en Capadocce représente l’offrande des mages sous l’aspect de « galettes solaires »(citée dans Le livre des Rois mages de Madeleine Félix).
Lors de ces fêtes, les esclaves devenaient les maîtres et les maîtres obéissaient aux esclaves. De même en France, au Moyen-Age, pendant ces Douze jours, La fête des fous et la fête de l’âne étaient aussi l’occasion de ce renversement des hiérarchies. L’élection d’ « un roi de la fève » , désigné par la fève trouvée dans la galette (apparue au XIVe siècle en France), impliquant là-aussi un échange des places est rapporté dans le Folklore français : cycle des douze jours de Noël aux Rois, par Arnold VAN GENNEP, Ed. Laffont. A cette occasion, une part était mise de côté pour le premier pauvre qui passait, la Part-à-Dieu.

Il est recommandé dans les Ecritures de ne pas se présenter devant Dieu les mains vides (Exode 23, 15). Le don des mages à Jésus aura été le modèle du don, le gage de salut, attendu de tous les chrétiens.

Livres épuisés ou indisponibles :

  • « Naissance de Jésus le 6 janvier ? »  Voir
  • « Date de l’Epiphanie » Voir
  • « Tirer » les rois » Voir

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