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Pour ton bien

Pier Lorenzo Pisano

Pier Lorenzo Pisano, jeune auteur italien, revient avec une deuxième pièce sur une thématique qui lui est chère, celle de la famille. Ce texte bilingue (français-italien) questionne ce qu'aimer veut dire au sein d'une famille.

On plonge dans une famille avec la mère, le fils (unique, l’ainé), le frère (dit le petit), les grands-mères, le tonton et le père (absent). Le fils ainé a quitté la maison depuis longtemps. La mère lui demande de revenir car elle dit que le père est malade. Durant la pièce, un mystère flotte autour de l’état de santé du père. La vérité finit par éclater, à demi-mot. Ce n’est pas le père qui va mal, mais la mère.

Le texte prend la forme de petites saynètes entre deux, trois ou quatre personnages. La mère étouffante, les jalousies entre frères, les grands-mères qui distribuent des gâteaux ou des billets de banque réveillent en nous des souvenirs et nous font sourire. Le ton est juste.

Il y a peu de réels dialogues entre les personnages. On entend ce qu’ils pensent tout bas. Et cela crée des situations cocasses car les personnages pensent des choses horribles.La pièce explore les non-dits de chacun. Que sait-on de nos proches ?

La langue de Pisano manie finement l’humour. Le ton souvent inattendu et un angle de vue décalé crée un humour grinçant. Ce texte drôle dit beaucoup sur la famille.

Cette pièce a reçu le Prix Riccione-Tondelli en Italie, en 2017.

Auteur

Jeune auteur italien, né en 1990, Pier Lorenzo Pisano est acteur, auteur et metteur en scène pour le théâtre et le cinéma.

Extrait

FILS. Il y a un cheveu dans les pâtes. Et maintenant qu’est-ce qu’on fait. Je le dis. Je ne le dis pas. Ça me dégoûte un peu. Ça me coupe l’appétit. Déjà que je n’avais pas très envie de manger. Tout clair, tout entortillé dans la sauce. Un beau cheveu long. J’essaye de l’enlever. Il se casse. Il s’est cassé. Et maintenant, on fait quoi. Il est où l’autre bout de cheveux ? Je dois faire quoi. Isoler la zone où se trouve probablement l’autre bout de cheveu ? Manger tout autour ? Et si je tombe quand même sur une bouchée avec le cheveu ? Comment je fais. Et si je laissais tout : voilà, j’arrête de manger. Comme, ça, d’un coup, un malaise, peut-être : désolé, je n’en veux plus. “Mais tu as mangé quoi dans le train ? Quelque chose qui t’a fait du mal ?” “Non, non, que de très bonnes choses, de première classe, tu sais c’est pas vraiment un malaise, c’est juste un léger manque d’appétit.” Avant d’avoir l’assiette devant moi, je ne savais pas que j’avais si peu d’appétit ; maintenant que je l’ai sous les yeux, je comprends que je ne peux pas manger tout ça : c’est très bon, mais c’est trop. La qualité et la quantité, tout y est, c’est de ma faute, uniquement de ma faute, c’est toujours de ma faute.

FRÈRE. J’ai soif. Je dois me verser de l’eau. Je la verse à tout le monde ? Qu’est-ce qu’ils attendent de moi ? Mais si j’en verse à tout le monde, il n’y en aura plus. Et si je verse qu’à moi, ça ne va pas. Alors pour boire je dois verser de l’eau à tout le monde, me lever, remplir le broc et puis m’en verser, m’asseoir et boire. J’ai plus vite fait de manger sans boire. Peut-être que je prendrai un fruit. Il y a de l’eau dans les fruits. Ou bien j’ouvre une bière, ça n’a jamais fait de mal à personne.

MÈRE. Tu veux la suite ?

FRÈRE. Non, merci.

FILS. Moi, j’ai fini, j’ai assez mangé.

MÈRE. Ça me désole que tu ne manges pas. Tu es maigre.

FILS. Ben non.

MÈRE. Tu te cuisines quoi chez toi ?

FILS. De la viande et des pâtes.

MÈRE. Tu dois manger des brocolis. C’est bon contre le cancer.

FILS. Je sais. Je sais. C’est que je n’ai pas le temps.

MÈRE. Il y a aussi ces baies, comment ça s’appelle déjà. Contre le cancer aussi…

FILS. Ah oui, celles-là, oui.

MÈRE. Et boire beaucoup d’eau. L’eau fait beaucoup de bien. C’est dépuratif.

FILS. C’est vrai.

MÈRE. Et beaucoup de fruits. Les fruits font beaucoup de bien.

Pour aller plus loin

Interview de l’auteur [Vidéo sur forumdesnouvellesecrituresdramatiques.fr]

Voir dans le catalogue de la BML

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