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Fugazi music club

Marcin Podolec

« Fuckd Up Got Ambushed, Zipped in », ou le rêve fugitif d'un club musical à Varsovie à l'ère des nineties.

A l’origine, Fugazi est l’acronyme d’une exclamation jargonesque exploitée par les soldats de l’armée américaine durant la guerre du Vietnam : « Fuckd Up Got Ambushed, Zipped in » pour désigner une situation complètement foutue.  C’est aussi le nom du deuxième album de Marillion, celui d’un groupe de hardcore américain, c’est également ainsi que l’on qualifie “une mine antipersonnel bricolée”. Du « C’est foutu » et de toutes ces joyeusetés anedoctiques couplées et secouées découle un fabuleux cocktail musical : le Fugazi Music Club, salle de concert éphémère, émergeant à Varsovie au début des années 90.

S’appuyant sur l’incroyable témoignage de Waldek (Waldemar Czapski), l’un des moteurs pensants du Fugazi, ce roman graphique retrace l’histoire fulgurante d’un club qui a traversé telle une comète la scène musicale varsovienne.
Sur bien des côtés, le Fugazi, l’équivalent petit-frère de la Hacienda (autre club mythique des 80’s à Manchester qui a lancé Joy Division, the Smiths, Happy mondays…) demeure important dans l’histoire de la musique polonaise.

Bien qu’ayant démarré sur des chapeaux de roue, le Fugazi connaît vite une ascension flamboyante. Les soirées s’enchainent très vite. De son petit local d’origine, le club doit rapidement voir les choses en grand avec le Cinéma W-Z…

Au fil des pages, le lecteur peut découvrir en coulisse la vie trépidante de cette salle de concert qui a fait vibré la capitale polonaise pendant toute une année : c’était devenu le The place to be au début des nineties : un repaire culturel qui baignait constamment dans une ambiance effervescente où pleuvaient les rencontres et les échanges fiévreux. C’était le vivier de toute une génération de paumés qui s’électrisaient à coup de riffs balancés dans un décors rock n roll improbable avec un bus rentré de force, un bar en forme de guitare, une porte silhouette découpée dans le mur en béton…

L’auteur-dessinateur Marcin Podolec parvient habilement à insuffler cette exaltation qui a animée l’espace d’une année flamboyante, le club et son équipe embarquée, depuis ses débuts difficiles à sa soudaine fin. L’expérience semblait épique et le rythme diablement excitant : l’humour était au rendez-vous, l’amitié au compteur bercé unanimement d’une même dévotion pour la musique. Les ennuis n’étaient pas écartés pour autant… le club traversait  en même temps des moments de crises : prises de becs avec la véreuse mafia du coin : un trio de cow-boys nuisibles, racket et dealers à la coupe, skinheads déloyaux…

Côté esthétique, le parti pris pour la teinte froide est particulièrement bien choisi traduisant en symbiose le froid local varsovien et le ton un brin nostalgique attachée au souvenir. Cette lumière bleutée parfois un peu enfumée se prête également à merveille pour révéler l’atmosphère du quasi squat plongé dans un éclairage opaque, prompt à révéler les spectateurs comme des silhouettes fantômes. Le trait est fluide, léger. Il s’allie de pair à la vie nocturne du club pour fondre les corps, dévoilant leur ligne ou de simples contours pour suggérer les mouvements de danse qui se confondent avec la pénombre de la salle.

Une touchante adaptation graphique d’une salle complètement foutue et passionnément fondue de musique.

Voir dans le catalogue de la BML

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