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Âmes

Histoire de la souffrance. 1

Tristan Garcia

Qu’est-ce que la souffrance nous apprend ? Voilà quel pourrait être un autre sous-titre du dernier roman de Tristan Garcia, une œuvre ambitieuse puisqu’elle propose d’aborder la question en partant de la Terre il y a 2 milliards d’années, les premiers êtres vivants, premiers mammifères et premiers humains.

On pourrait être perdu, mais Tristan Garcia nous entraîne dans une succession de récits, depuis le plus descriptif jusqu’au plus mythologique, dont les personnages se suivent comme des échos, des répétitions de schémas, d’envies et de désirs. Sacrifice, colère, mélancolie, impulsivité, tout ceci se mélange et se rencontre, se féconde ou s’oppose. On y décèle, au détour d’une phrase, que chaque texte est un prolongement philosophique, mais Tristan Garcia croit d’abord au récit, à sa force évidente quand elle est assumée. Même s’il y a des tonalités mythologiques, les textes ont des préoccupations modernes. Le corps, dans toute sa chair et ses humeurs, est exposé sans détour. Il n’a pas la perfection des héros grecs, avec tout son côté irréel, bien au contraire, il sue, il suppure, il se déchire et saigne. C’est le corps des vaincus, des réprouvés, des sacrifiés, avec ses viscères et son sexe.

Le roman de Tristan Garcia parle d’âmes, mais cette spiritualité subtile tend vers le vide. Dès que les personnages se cherchent, tel Lucius un philosophe latin, dès qu’ils arrêtent d’oublier comme les ermites chinois, ou dès qu’ils imaginent le bénéfice de la réincarnation, l’histoire bouleverse leur quête, les ramène à un échec et à la vie, tout simplement, faite de souffrances. Ces personnages pris dans un récit plus grand qu’eux, colorent le roman de teintes de bleu, de rouge, de jaune et de vert, perturbées parfois par le blanc et le noir ou le gris. Tristan Garcia n’a pas écrit une fresque, mais une tapisserie où les fils se mélangent et où le lecteur devine le motif avec plaisir.

Voir dans le catalogue de la BML

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