Les blouses blanches crèvent l'écran !

- temps de lecture approximatif de 15 minutes 15 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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Cela fait bien longtemps que les séries télévisées (américaines en majorité, mais pas seulement), se sont faites une place de choix dans les programmes télé et dans le cœur des téléspectateurs. Depuis septembre 2006, elles ont même carrément mis à la porte le traditionnel film du dimanche soir sur les deux premières chaînes, s’imposant une bonne fois pour toute comme un élément incontournable du paysage audiovisuel français. C’est vrai que les séries télés ont des atouts : elles sont nombreuses, touchent à tous les sujets, fidélisent le téléspectateur et permettent aussi la multiplication des pages de publicité. Depuis le mois d’avril, TF1 a entrepris la diffusion, sous le titre assez surprenant d’Alliances et trahisons, d’une série américaine qui a vu le jour il y a tout juste 45 ans (le premier épisode a été diffusé le 1er avril 1963), et qui reste un succès non démenti outre-Atlantique : General Hospital. Mais quelle seringue a donc piqué les téléspectateur pour garantir aux séries centrées sur le milieu médical une audience et une longévité aussi d’exceptionnelles ?

Sommaire :

Dans la famille « Docteur, fais-moi mal ! » je voudrais …

Jeunes filles (en fleur) en blanc

Le côté obscur de la blouse blanche

Les docteurs et nous

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Clarita / Morguefile.com



Dans la famille « Docteur, fais-moi mal ! » je voudrais …

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Urgences

Dans la famille « série télé médicale » qui a marqué les esprits français, je demande la mère : Urgences. Urgences (Emergency Room ou ER en version originale), est une série qui se déroule dans les couloirs du service d’urgences (comme son nom l’indique) d’un hôpital de Chicago. La série compte à ce jour 13 saisons d’environ 24 épisodes chacune, plus une 14ème en cours de diffusion aux Etats-Unis, et une 15ème à venir. Depuis ses débuts il y a maintenant plus de 10 ans, cette série a séduit par son réalisme. Christian Lehmann, médecin et auteur à succès, témoigne en ces termes : « Putain, écoute, quand Urgences a débarqué à la télé française, tous les médecins regardaient. Personne n’avait jamais montré de l’intérieur ce que nous vivions. La dureté de ce métier, l’exaltation, la solitude qu’il engendre en nous éloignant de ceux qui ne font pas partie de la tribu. Et personne n’avait souligné avec autant d’acuité que nous étions faillibles, et que chacun de nous, même les meilleurs, vivait avec le souvenir de ses échecs irréparables. » (extrait de Le meilleur des séries, Martin Winckler, éd. Hors collection). Pour avoir plus d’informations sur cette série, vous pouvez consulter le site Urgence Hypnoweb qui lui est consacré.

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Grey’s anatomy

A côté de cette doyenne, on trouve la fille : Grey’s anatomy, qui a repris une partie des recettes d’Urgences, avec une équipe jeune et dynamique, dont les membres vont pouvoir se conter fleurette entre deux opérations (car cette fois le cadre n’est plus un service d’urgences à Chicago mais un service de chirurgie à Seattle), tout en se faisant une concurrence effrénée entre internes. Cette série, qui a moins fédéré les foules qu’Urgences, a débarqué sur les écrans français en juillet 2006, et elle est toujours en cours de diffusion. Pour plus d’infos, vous pouvez cliquer ici.

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Nip/Tuck

Deuxième fille, un peu moins studieuse et un poil plus déjantée : Nip’Tuck (à noter que l’expression « nip and tuck » désigne en anglais la chirurgie esthétique). Ou comment deux chirurgiens plastiques opèrent et vivent à Miami. Contrairement à Urgences et à Grey’s anatomy, cette série cruelle, satirique et très crue ne lésine pas sur l’hémoglobine et les intrigues sordides pour fidéliser un public qui n’a pas froid aux yeux. Diffusée en France depuis janvier 2005, elle est d’ailleurs programmée en deuxième partie de soirée. Et même si, comme nous l’apprend le site non-officiel NipTuck France sur cette page, le scénario de certains épisodes reprend des faits divers réels et qu’une infirmière fait partie du casting de la série pour rendre plus crédibles les scènes médicales, on sort de chaque épisode avec l’impression que le réalisme n’est pas le but principal du réalisateur.

Comme nous l’avons dit, la diffusion de la « grand-mère » General Hospital vient tout juste de débuter en France, mais après plus de 10 000 épisodes (TF1 a pris la liberté de commencer cette diffusion au 10 298ème épisode), on peut dire que l’intrigue principale s’est singulièrement éloignée du milieu hospitalier. Pour plus de précisions, vous pouvez lire l’article hilarant de Libération du 26 avril 2008.

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Dr. House

Pour en finir avec ce jeu de familles singulièrement bigarré, nous demandons le père, en la personne du très excentrique et totalement égocentrique Docteur House, dont la diffusion illumine les mercredis soirs les plus lugubres. Série atypique car centrée sur un personnage tout sauf sympathique, Dr. House est diffusée en France depuis février 2007 sur une chaîne publique. Comme pour Urgences et Grey’s anatomy, l’action se déroule dans les couloirs d’un hôpital, cette fois-ci l’hôpital universitaire de Princeton, mais pas dans un service précis puisqu’on navigue des urgences à la chirurgie en passant par l’oncologie. Chaque épisode présente le cas d’un patient sur lequel vont se pencher House et son équipe, afin de donner un diagnostic et un traitement adapté. La construction de ce diagnostic va se faire à la manière d’une enquête, avec hypothèses, relevé des indices et exploration des différentes pistes. Pour de plus amples informations sur cette série, vous pouvez consulter ce site qui lui est consacré.

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éd. Hors Collection

Avec ses 5 séries, nous avons fait un tour d’horizon des séries médicales les plus populaires du moment. Nous recommandons à tous les curieux la lecture du guide très complet de Martin Winckler (médecin et grand amateur de séries télévisées) : Le meilleur des séries, éd. Hors Collection.

Cet engouement pour les personnages en blouses blanches ne date pas d’aujourd’hui, ni même d’hier, et avant de peupler nos petits écrans, médecins et infirmières faisaient déjà les beaux jours des éditeurs pour la jeunesse.


Jeunes filles (en fleur) en blanc

Bien avant le boom des séries télévisées consacrées au corps médical, on trouvait un certain nombre de séries de livres, généralement publiées pour un lectorat de jeunes filles, ayant pour personnage principal une infirmière et suivant cette héroïne dans l’apprentissage de son métier, et de la vie en général.

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éd. Marabout

Les éditions belges Marabout publient dans les années 50, dans leur collection Mademoiselle (à couverture bleue, alors que leur collection pour les garçons, qui mit en scène un certain Bob Morane, arborait une couverture jaune), les aventures de Susan Barton (en version originale Sue Barton) d’Helen D. Boylston, elle-même infirmière, qui publia, outre cette série, un certain nombre d’ouvrages autobiographiques.

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éd. Librairie Charpentier

Entre 1958 et 1978, ce sont les éditions de la Librairie Charpentier, dans la collection Lecture et Loisir, qui publient les aventures d’une jeune infirmière américaine, Cherry Ames, d’Helen Wells et Julie Tatham. On suit la jeune infirmière dans ses études puis pendant la Seconde Guerre Mondiale, qui la verra enrôlée dans l’armée, successivement en Angleterre et dans le Pacifique.

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éd. Hachette

Enfin, plus proche de nous, la célèbre Bibliothèque Verte des éditions Hachette publia à partir de 1968 une série intitulée Les jeunes filles en blanc, de Suzanne Pairault, sans personnage récurrent mais mettant toujours en scène des infirmières ou des médecins.
Ces différentes séries ont un autre point commun : la découverte du milieu médical est toujours accompagnée d’une intrigue plus ou moins policière, en tous les cas d’une enquête qui sert de fil conducteur au livre.


Le côté obscur de la blouse blanche

Les médecins d’Urgences soignent les blessés en tous genres, les internes de Grey’s anatomy font leurs classes, le Docteur House diagnostique, tout cela dans un but : rendre la santé à un patient. Mais le gentil médecin débordé à son revers : le médecin légiste qui découpe sans ménagements la viande froide qui arrive sur sa table d’autopsie, pour en extraire des informations précieuses pour les enquêteurs. Entre celui qui soigne les vivants et celui qui charcute les morts, le cœur du public balance !

Le personnage du médecin légiste n’a pas été inventé par la télévision, comme le prouve la brillante Kay Scarpetta, qui a vu le jour en 1990, dans le roman PostMortem, sous la plume de Patricia Cornwell, médecin-légiste et enquêtrice qui a mené à bien une douzaine d’enquêtes. Le site Laprise.org nous apprend à cette occasion que Patricia Cornwell a elle-même exercé ce métier avant de faire profiter Kay de son expérience.

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N.C.I.S.

Dans les séries télévisées qui mettent en scène un médecin légiste, on peut citer N.C.I.S., où officie le docteur Mallard, dit Ducky, qui a la particularité de converser avec les morts qui lui sont confiés, toujours avec une exquise politesse, Les Experts (Las Vegas), avec le docteur Al Robbins, amputé des deux jambes. La série Bones se déroule dans un institut médico-légal, et si l’héroïne n’est pas médecin-légiste, elle est anthropologue judiciaire, c’est-à-dire qu’elle recherche des indices sur des corps (ou ce qu’il en reste) qui n’ont rien donné aux investigations de médecine légale plus traditionnelle.

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Bones

A noter que cette série est inspirée des livres de la romancière (et anthropologue judiciaire) Kathy Reichs. Décidément, fréquenter des cadavres semble être une bonne voie pour devenir auteur à succès.

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The X-Files

Enfin, dans ces personnages de légistes télévisés, n’oublions pas le personnage de Dana Scully dans les célèbres X-Files, qui a également un diplôme en anthropologie médicale et est souvent amené à pratiquer examens et autopsie sur des cadavres.

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éd. Warner Home Video

La médecine légale et tout ce qui touche au cadavre fascine, et une série est même entièrement consacrée à la mort : Six Feet Under. Pour en savoir plus sur cette série qui met en scène les boires et déboires d’une famille de croque-morts, vous pouvez visiter le site Six Feet Under, une série mortelle, qui lui est consacré.

Si vous aussi vous voulez en savoir plus sur ce sujet, vous pouvez consulter cet ouvrage très complet :

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éd. Verticales

Morgue : enquête sur le cadavre et ses usages, Jean-Luc Hennig, éd. Verticales :

« La morgue, c’est la ville en dessous. Le boulevard du fait divers. L’administration de ses violences, de ses suicides et de ses suspicions. Mort métropolitaine, mort défigurée. Les morgues, c’est tout ça. De Paris à New York, d’instituts médico-légaux en dépositoires hospitaliers, c’est la même ténacité du cadavre. Colorié et silencieux. Entre les cars de police, les sirènes et les gyrophares, la pompe violette et les outils des garçons d’autopsie. » Jean-Luc Hennig saisit sur le vif ce territoire imaginaire à force d’entretiens minutieux, d’extraits d’archives, de reportages in situ et de portraits bouleversants, savoureux ou glaçants. Autrement dit, en matérialiste déjanté et sensualiste non moins raffiné, il nous restitue les décors, gestuelles, rituels, trafics, odeurs, rêveries, phobies, folies qui hantent ces travailleurs de l’au-delà.

Les docteurs et nous

Que les médecins soient urgentistes ou légistes, inexpérimentés ou chevronnés, sympathiques ou rébarbatifs, on ne peut que poser ce constat : toutes ces séries ont mis en avant le personnel médical et la réalité (plus ou moins fidèle) des milieux hospitaliers et le public s’est passionné pour ces séries, ne se laissant rebuter ni par le jargon, ni par les aspects les moins glorieux de la profession. Dans un contexte ou la communication entre le patient et le médecin est au centre des préoccupations, ces séries ont-elles eu un impact, positif ou négatif ?

Sur le site Doctissimo, qui consacre d’ailleurs un dossier au phénomène des séries médicales, on peut lire une interview de Laurent Alexandre, économiste de la santé, dans laquelle il évoque les conséquences possibles de ces séries sur la relation des Français avec le système de soins. Extraits :

« Elles [les séries médicales] peuvent augmenter les demandes de plus en plus immédiates vers des médecines ultra-techniques : “Pourquoi n’ai-je pas déjà subi deux IRM ?”… ; Une exigence qui est le plus souvent inadaptée. L’hypocondrie était déjà présente à l’époque de Molière, elle l’est encore aujourd’hui. Je ne crois pas que la médiatisation de la médecine (aujourd’hui les séries médicales, hier le Larousse médical) ait le pouvoir d’augmenter ce phénomène… ; De plus, l’identification avec les malades d’Urgences ou de Dr House est assez limitée, il s’agit la plupart du temps de cas extrêmement rares. »
« En dévoilant ce qui se passe derrière les portes de l’hôpital, dans les salles d’opération, ces séries ont montré le quotidien des médecins. Elles ont souligné leur volonté de sauver des vies et les ont dépeints en héros. Mais dans le même temps, cette nouvelle transparence a entamé l’image du Docteur tout puissant. Certains diront ainsi que cette médiatisation s’accompagne d’un affaiblissement du pouvoir du médecin, alors que d’autres se féliciteront d’un meilleur partage des connaissances. Mais le corps médical est assez réticent à médiatiser sa profession et ce débat est vieux de plus de 60 ans. Les médecins s’écharpaient déjà du temps de “5 colonnes à la Une” pour savoir si oui ou non il fallait tout montrer ! »

Le site Linternaute, qui consacre lui aussi un dossier complet aux séries médicales (preuve de leur bonne santé), nous donne à lire le point de vue d’un médecin hospitalier (chirurgien plastique), le Docteur Derhy. Le Dr Derhy a plutôt une bonne opinion de ces séries dans le sens où elles contribuent à rapprocher le public du corps médical, mais il constate tout de même que certains tendent à encourager chez leurs spectateurs une hypocondrie ou des exigences plus grandes face au médecin.

Le dialogue patient-médecin, et plus largement la relation soignant-soigné, a suscité bien des débats, et a nourri toute une littérature. Nous vous proposons simplement trois ouvrages sur ce sujet :

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éd. La Martinière

C’est grave, docteur ?, Martin Winckler, éd. La Martinière :
Le sous-titre de ce livre est très explicite : Ce que disent les patients, ce qu’entendent les médecins. Entre témoignage et document, ce livre se présente comme un panorama des maux du corps, que les mots d’une consultation disent ou ne disent pas. De ses années de formation aux personnes qu’il a rencontrées et qui l’ont marqué, Martin Winckler revient sur l’engagement moral qui fonde le contrat du médecin. En d’autres termes, sur ce que soigner veut dire.

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éd. Robert Laffont

Le souci de l’autre, Marie de Hennezel, éd. Robert Laffont :

Beaucoup plus critique vis-à-vis du système de soins que le précédent, ce livre s’attache à révéler (pour pouvoir y remédier) les incohérences des services hospitaliers qui soignent des maladies plutôt que des êtres humains, considèrent les membres plutôt que le corps dans son ensemble, et privilégient la technique pure au détriment de la communication.

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éd. Seuil

Nos médecins, Hervé Hamon, éd. Seuil :

L’auteur, écrivain et éditeur, admet avec franchise que le monde de la médecine lui est totalement inconnu, sauf en tant que patient, et qu’il s’est appuyé sur ce postulat pour observer avec « la force du candide » le métier et la vie des soignants, à travers une enquête de 3 ans auprès de différents praticiens et dans différents hôpitaux et cliniques. Un panorama de la médecine en France et de ceux qui l’exercent vu par un non-spécialiste, et à destination d’autres non-spécialistes.

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