Keith Haring à Lyon, un événement !

- temps de lecture approximatif de 14 minutes 14 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Du 22 février au 13 juillet 2008, le Musée d’art contemporain de Lyon présente l’une des plus importantes expositions jamais organisées en France en hommage à Keith Haring, artiste emblématique de la scène new-yorkaise des années 80.
Après les rétrospectives Andy Warhol en 2005, Bettina Rheims en 2006, Erwin Wurm en 2007, le musée poursuit sa politique d’expositions de figures majeures de l’art contemporain.
Les trois étages du musée, dans une scénographie pédagogique et attrayante, offrent à voir des oeuvres aux dimensions imposantes qui permettent au public d’entrer en contact avec tous les aspects de la création de Keith Haring, y compris le mobilier conçu pour les enfants et le Pop Shop de Tokyo, reconstitué pour l’occasion.


Keith Haring Artwork, Pop Shop
Photo by Charles Dolfi Michels(© Estate of Keith Haring, New York)

[actu] Quelques pistes sur l’oeuvre [actu]

Comme Picasso, Keith Haring reçoit très tôt les conseils, l’attention et le soutien de son père. Sa formation initiale de dessinateur s’effectue en sa compagnie et consiste dans la production de bandes dessinées et d’illustrations pour la jeunesse. Cette initiation se révèlera déterminante, et ses passages assez courts dans deux écoles d’art lui permettront d’abord de situer son travail à venir par rapport à l’histoire de l’art.

Keith Haring souhaite exercer son art pour tous les publics. Arrivé à New-York, son attention est attirée par les graffeurs qui ont l’habitude d’exercer leurs talents sur les rames de métro. Il décide de s’approprier les emplacements publicitaires tendus de papier noir entre deux campagnes, traçant ses lignes à la craie blanche, tout en cherchant à dialoguer avec les passants. Ses dessins sont exécutés très rapidement, afin d’échapper au contrôles policiers, et conçus pour accrocher le regard. Les figures sont représentées par un simple contour, appréciables au premier coup d’œil, et s’inscrivent sur l’ensemble de la surface dégagée, parfois organisées dans des cases pour former de petites saynètes.

Baignant dans la culture Hip hop, Keith Haring a l’habitude de se rendre dans les boîtes de nuit ou clubs à la mode, Club 57, Mudd Club, Paradise Garage. Ces lieux alternatifs, voués d’abord aux dernières tendances de la musique ainsi qu’à la danse urbaine, sont également des lieux de rencontre et d’expérimentation entre artistes, qui organisent des fêtes où toutes les formes d’art sont convoquées : poésie, photographie, performance, vidéo, expositions. Il trouve soutien et inspiration dans ce milieu. La musique lui donne l’énergie et le tempo dans l’exécution de ses gestes, la danse les postures de ses personnages. Le public qui lui est proche, quand il ne lui sert pas prosaïquement de support corporel (Bill T. Jones, Grace Jones), fait office de source d’inspiration ou de critique.

Très vite les demandes d’expositions ou de fresques monumentales vont affluer. Toutefois, il veillera toujours à proposer son oeuvre au public le plus vaste possible, ne se limitant pas à celui qui constitue le milieu officiel de l’art contemporain, et livrera plusieurs œuvres publiques pour des institutions caritatives, éducatives, thérapeutiques, accueillant souvent pour leur réalisation la participation d’enfants.

Si le style général de l’œuvre de Keith Haring s’apparente de prime abord à celui de la BD, dans l’emploi de la ligne claire et d’une narration schématique, il faut signaler son inscription complexe dans le contexte aussi bien de l’art moderne et contemporain (Pop art), que de l’art antique (Egyptien) ou des arts premiers.
Keith Haring reconnaît lui-même les influences d’aînés de l’art moderne, tels que Klee, Alechinsky, Dubuffet, Picasso. Il retient du Pop art l’attitude de s’emparer des icônes populaires (Mickey Mouse, Schtroumpf, Pinocchio, La Joconde, le sigle du dollar), et le traitement de l’espace en surfaces de couleurs vives déposées en aplats, comme dans les affiches ou les étiquettes de produits de consommation. Ses personnages composites (mi-homme, mi-animal), aplatis et étirés à la surface du support, rappellent ceux de l’art égyptien. Le parcours sinueux et labyrinthiques des lignes, l’échafaudage totémique des personnages, la répartition symétrique des figures secondaires par rapport à la figure centrale, l’absence d’espace perspectif, l’inscription de son empreinte sur tous les supports de la vie quotidienne (corps, vases, portes, murs, vêtements, jeux, mobilier) relèvent de l’esthétique des arts premiers.

Ses images semblent immédiatement lisibles. Cependant, certaines possèdent une dimension symbolique, et d’autres peuvent acquérir des sens différents selon leur contexte. Le personnage de l’homme troué renvoie à la mort de John Lennon, tué à coups de revolver le 8 décembre 80. La pyramide évoque le passé culturel de l’humanité. La monstruosité est personnifiée par une créature pourvue d’un nombre inhabituel de membres ou d’organes (têtes, bras, mamelles, yeux ou pattes). Une croix rouge marque le caractère négatif d’une scène, une croix verte le côté positif ; le sigle du dollar est le symbole du pouvoir de l’argent, le téléviseur celui de l’information par les médias de masse. Le recours à des images d’apparence joyeuse (bébés marchant à quatre pattes, danseurs, dauphins sauteurs, ébats sexuels) ne doit pas faire oublier la noirceur des thèmes abordés : racisme, apartheid, maladie, sida, violence, oppression par le pouvoir de l’argent ou des médias, menaces nucléaires, mort, apocalypse. Toutefois, la façon de traiter ces thèmes par des couleurs optimistes et une ligne dynamique et malicieuse, témoignent encore plus de l’immense amour de la vie de leur auteur.

[actu] Quelques déclarations de Keith Haring [actu]

« L’art ne doit pas être fait pour quelques uns. Il appartient à tous. La performance est le meilleur moment. Cela me fascine de travailler devant une foule. L’image coule directement du cerveau dans la main… »

« L’art vit de l’imagination des gens qui le regardent. Sans ce contact, il n’y a pas d’art […] Il devient de plus en plus clair pour moi que l’art n’est pas une activité élitiste réservée à l’appréciation de quelques-uns, mais qu’il est là pour tous, et c’est le but vers lequel je continuerai de travailler. »

« Je ne crois pas aux solutions. Les choses sont hors de mon contrôle et de ma compréhension. Je n’ai pas le rêve de changer le monde, je n’ai pas celui de sauver le monde. Cependant, je suis dans le monde et je suis un être humain. En 1982, avec les téléphones et la radio, les ordinateurs et les avions, les nouvelles du monde et les cassettes vidéo, les satellites et les automobiles, les êtres humains sont encore terriblement semblables aux hommes d’il y a deux mille ans. J’ai peur à en mourir. »

« Les images réalisées par l’homme ont toujours été des éléments nécessaires à ce rituel que nous appelons la « vie ». Elles ont orné nos abris, nos outils, nos vêtements, nos monuments, nos récipients, nos corps, nos temples, et la terre elle-même… Les artistes contemporains ne peuvent ignorer l’existence des médias et de la technologie et, en même temps, ne peuvent pas abandonner la culture rituelle et populaire. »

« Ce qui m’intéresse dans la peinture, c’est explorer les variations infinies des relations entre la forme et l’espace pour produire des objets et des images qui impliquent la participation et l’interprétation du spectateur. La « responsabilité sociale » qui émane de mon travail se trouve dans la LIGNE même. La reconnaissance de ma LIGNE est à l’origine de ma reconnaissance en tant que personnalité publique. »

[actu] Repères biographiques [actu]

1958

Naissance de Keith Haring le 4 mai à Reading, Pennsylvanie.
1976

Cours de dessin publicitaire à la Ivy School of Professional Art de Pittsburgh.
1978

S’installe à New-York.
1980

Début des subways drawings, réalisés sur les panneaux publicitaires du métro à New-York. Il découvre les inscriptions signées « SAMO » de Basquiat, il crée son « Radiant baby ».
1981

Expositions au Club 57 et au Mudd Club. Première peinture murale destinée aux enfants d’une école de Manhattan.
1982

Exposition à la galerie Tony Shafrazi. Participation à la Documenta 7 à Kassel. Animation lumineuse à Times Square où apparaît l’image de son “bébé radiant”.
1985

Exposition monographique au CAPC de Bordeaux. Exposition de ses sculptures sur métal peint à la galerie Leo Castelli.
1986

Création du Pop Shop, boutique de vente directe au public des produits dérivés de ses œuvres (vêtements, jouets, pins, etc.).
1987

Fresque pour l’hôpital Necker à Paris.
1989

Création de la fondation Keith Haring à Ney York.
1990

Keith Haring meurt à New-York le 16 février, à l’âge de 31 ans.
1999

Exposition au musée Maillol – fondation Dina-Vierny, à Paris.
2006

Exposition de sculptures monumentales, au musée Pierre Salinger, 84250 le Thor.

[actu] Sites Internet [actu]

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Keith Haring
(Musée d’art contemporain)


Musée d’art contemporain de Lyon
- Site officiel de l’exposition « Keith Haring », du 22 février au 29 juin 2008. Vous avez accès, par l’onglet Ressources pédagoqiques, à un dossier qui évoque dans le détail la vie et l’oeuvre de l’artiste, ainsi qu’à une bibliographie développée. Vous pouvez également voir de chez vous les salles de l’exposition, par l’onglet Visite virtuelle. Ne passez pas non plus à côté des ateliers proposés pour les enfants de 6 à 11 ans, et aux teenagers, à partir de 12 ans, pour s’initier aux techniques fondatrices du Hip hop.

Keith Haring Foundation
- Site officiel de la Fondation Keith Haring à New York.

Galerie Jérôme de Noirmont
- Site officiel de la galerie qui représente Keith Haring en France.

[actu] Livres sur Keith Haring [actu]

Keith Haring, Skira
- Le catalogue de l’exposition, avec de nombreux textes qui apportent un éclairage essentiel sur les références artistiques sous-jacentes au travail de l’artiste, dont la reconnaissance par les spécialistes institutionnels ne se fit pas sans mal.

Keith Haring, Evergreen
- Le catalogue de l’exposition qui s’est tenue en 1987 au Whitney Museum of American Art. Les différents textes et entretiens abordent plus particulièrement l’insertion de l’artiste dans les différentes formes de la culture des jeunes de son époque, le hip hop.

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Keith Haring
(Taschen)


Keith Haring : 1958-1990 , par Alexandra KOLOSSA, Taschen
- Un livre qui donne les éléments essentiels pour comprendre la vie et l’oeuvre de l’artiste. L’iconographie, riche et abondante, est de qualité, le format et la maquette sont agréables. Le texte, bien documenté, donne des clés de lecture pertinentes, tout en se lisant aisément. Une édition à prix réduit sans concession.

Apocalypse, DTV
- Un tout petit livre à deux voix sur le thème de l’Apocalypse, avec l’écrivain William Burroughs, qui introduit ainsi le travail de l’artiste : « Mais l’art déborde des cadres et se répand dans le métro avec les graffitis… Tout est permis parce que rien n’est vrai. Tout est illusion, mystification… ART. Quand l’art sort des cadres, et le mot écrit de la page – non seulement le cadre du tableau et la page du livre, mais aussi le cadre et la page des domaines réservés – une brèche centrale est ouverte dans la réalité : celle de la réalisation de l’art. Un chemin extrêmement différent de celui emprunté par Duchamp, Klein et Manzoni, s’approprier tout ce qui est visible en le signant, ou en le hissant sur un socle. Plutôt que s’approprier les choses en les signant ou en les encadrant, débarrassons-nous des cadres et des socles, et même, oui, des signatures… Le peintre désire que ses images quittent la toile et vivent une vie indépendante hors du tableau, un cri perçant au cœur du réel suffit au désordre pour tout envahir. » Le texte et les sérigraphies originales sont visibles au 3e étage de l’exposition.

[actu] Livres sur Keith Haring pour la jeunesse [actu]

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Keith Haring
(Dada, n° 134)


Keith Haring : et l’art descend dans la rue !, Ed. Palette
- Dans la collection « L’art et la manière », collection de monographies d’artistes destinées aux jeunes lecteurs, à partir de l’âge de huit ans. Une vingtaine d’œuvres sont commentées de manière claire et instructive.

Keith Haring, Mango-Jeunesse
- Le numéro 134 de la revue Dada, première revue d’art pour les enfants, est consacré dans son entier à Keith Haring.

[actu] Rebondissements bibliographiques [actu]

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Fernand Léger
(5 Continents éditions)

Fernand Léger : l’oeuvre monumental, par Yvonne BRUNHAMMER, 5 continents éd.
- Etude très complète sur un pionnier de l’art public moderne. Depuis sa rencontre dans les tranchées en 1914 avec des hommes de toutes les couches sociales, Fernand Léger n’aura de cesse de proposer son art sous des formes visibles par tous : ballet, cinéma, peintures murales, vitraux, sculptures publiques. Il développera pour ce faire un style basé sur des formes dépouillées, cernées d’un trait noir, et de couleurs primaires déposées en aplats. Comme Keith Haring, il fut en parfaite adéquation avec la culture de son temps, « l’esprit moderne ».

Henri Matisse : la chapelle de Vence, par Soeur Jacques-Marie, G. Gardette
- Autre maître de l’art moderne, Henri Matisse réalise dans les dernières années de sa vie ce qu’il considère comme le chef-d’œuvre de son existence, la Chapelle du Rosaire, à Vence. Il conçoit pour la congrégation des Dominicains un environnement total : toiture, vitraux, mobilier intérieur, objets et vêtements liturgiques, fresques murales. Après un travail considérable d’esquisses, il arrive à l’expressivité maximale d’une simple ligne noire sur fond de céramique blanche, marquant seulement les contours des personnages. Par la seule grâce des inflexions de la ligne, Matisse réussit à évoquer la personnalité et le destin de saint Dominique, La Vierge et l’enfant Jésus. Pour le Chemin de Croix, dont le style de narration et de figuration s’apparente à celui d’une BD, le trait, qui devient alors haché et nerveux, nous introduit pleinement dans le drame de la Passion. Le livre, écrit par Sœur Jacques-Marie, qui lui servit auparavant de modèle, est le journal de bord étape après étape de la décoration de la chapelle, et contient de nombreuses réflexions de l’artiste.

La magie Calder (DVD), par Carlos VILARDEBO, Films du paradoxe
- Il faut voir dans ce film le regard de Calder, celui d’un enfant émerveillé, quand du pliage d’un simple bout de fil de fer il donne vie à un personnage ou à un élément de son cirque en modèle réduit, qu’il l’anime en personne. Comme Keith Haring, qui lui doit tout pour ses réalisations sculptées -la technique de la tôle, la polychromie et l’assemblage spatial des éléments-, il posera ses couleurs sur des automobiles, et même des avions.

In situ : un panorama de l’art urbain de 1975 à nos jours, par Stéphanie LEMOINE et Julien TERRAL, Ed. Alternatives
- Un panorama très complet et bien documenté des diverses expressions artistiques (street art, peinture murale, graffiti, tag, fresque, pochoir) qui ont vu le jour dans l’espace public urbain, à partir des années 60.

Fun, figuration libre, graffiti dans les années 80, par Thierry LAURENT, Au même titre
- Essai d’analyse des tendances artistiques apparues dans les années 80, aussi bien en France qu’en Amérique, qui s’inscrivaient dans la mouvance du Hip hop. En France, Ben a baptisé « figuration libre » le mouvement qui réunissait

entres autres noms, Blanchard, Combas, Di Rosa, Boisrond. En réaction avec l’art cultivé (minimal, conceptuel, support-surface), ils opposent un art plus instinctif, issu d’une culture plus populaire (BD, rock, TV) et s’investissent dans la création de produits dérivés.

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Tableaux Kuna
(Arthaud)


Tableaux kuna, par Michel PERRIN, Arthaud
- Ces pièces de tissu aux motifs traditionnels, fabriquées par les femmes Kuna, ont certainement influencé Keith Haring. Elles présentent la même organisation de lignes sur fonds coloré uni. Ces lignes formant parfois des figures, humaines ou animales, qui s’insèrent, en se déformant, dans le réseau général.

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